Deux Romands pensaient avoir trouvé la bonne formule de 3e pilier a lié à une assurance-vie avec l’assureur Youplus. Ce dernier, basé à Triesen au Liechtenstein, leur a promis des performances extraordinaires. Mais après quelques années, les deux assurés ont constaté, chacun de leur côté, que les promesses n’avaient pas été tenues. Hélas pour eux, mettre fin à leurs contrats leur a coûté bien plus cher qu’ils ne le pensaient.
Promesses de plus-values
Le premier lecteur est valaisan. Il avait souscrit en 2001 à une assurance-vie liée à des fonds. Ce système prévoit que les primes payées par l’assuré servent à acheter des parts de fonds de placement, lesquelles sont investies principalement dans des actions et des obligations.
Le but de cette approche est que l’investisseur – dans ce cas, l’assuré – profite de la hausse de la valeur des titres grâce à la progression des marchés financiers au fil des années. Au terme du contrat, l’assuré touche un capital ou une rente correspondant non seulement aux primes qu’il a payées, mais aussi aux plus-values de ses investissements.
La police souscrite par notre lecteur en 2001 pour une durée de 21 ans (l’échéance était fixée à octobre 2022) prévoyait le paiement de primes annuelles de 6237,20 fr., soit un total de 130 981,20 fr. sur la durée du contrat. Le capital-décès, que les héritiers de l’assuré auraient touché en cas d’événement tragique pour ce dernier, était de 131 804 fr., soit à peine moins que le total des primes.
Le contrat spécifie encore que la somme que touchera l’assuré au terme de son contrat sera «la valeur actuelle des parts de fonds à l’échéance». Autrement dit: en incluant les plus-values éventuelles des fonds dans lesquels les primes sont investies.
Gains boursiers évanouis
Les primes ont été placées dans plusieurs fonds désignés par l’assureur et gérés par la banque Sarasin à Bâle: le JSS EquiSar IID EUR (investi dans des actions de grandes sociétés européennes cotées en bourse, en euros) et le JSS EquiSar Global (investi dans des titres de grandes sociétés dans le reste du monde), principalement.
A l’échéance de son contrat, notre lecteur découvre le pot-aux-roses à la lecture du dernier certificat d’assurance: la valeur de ses parts de fonds ne s’élève qu’à 76 282,02 fr., 41% de moins que le montant des primes payées.
C’est d’autant plus surprenant que ses fonds de placement ont réellement prospéré durant toutes ces années. Ainsi, l’ISS EquiSar IID EUR a vu sa valeur bondir de 159,5% de 2005 à 2022. Et celle du JSS EquiSar Global a surgi de 53,8% en cinq ans. Normalement, la valeur de l’assurance de notre lecteur aurait dû suivre le même chemin.
Perte financière
C’était sans compter avec l’article 5.1 des conditions générales: «Les primes sont utilisées pour la couverture du risque de décès et des frais administratifs.» Aussi, la part des primes consacrée à l’épargne est déjà amputée d’une certaine somme. Or, c’est cette partie de la prime qui finance les achats des parts de fonds. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le prix de la part, au moment de l’achat, n’est pas celui du marché, mais celui de l’assurance. Le point 5.3 des conditions générales est très clair: Youplus «détermine un prix d’émission interne». En revanche, le prix de revente de la part est celui du marché, ainsi que le précisent encore les conditions générales: «Le prix de rachat correspond au cours officiel.»
Pour résumer clairement: Youplus prélève sa couverture du risque et ses frais de la prime. Avec le solde, elle achète des parts de fonds à des prix qui ne sont pas ceux du marché. Ils peuvent donc être bien plus élevés. Dans ce cas, la revente des titres, au prix du marché, peut entraîner une perte financière pour l’assuré sans qu’il en soit conscient.
Notre rédaction a demandé à Youplus de communiquer ses bases tarifaires. Notre lecteur lui a remis deux procurations la déliant du secret des affaires, dont une sur un formulaire fourni par Youplus. L’assurance a encore exigé la remise, par son client, d’une copie certifiée de sa carte d’identité, ce que le client a fait. Malgré cela, à ce jour, nous attendons toujours les explications de l’assurance.
Frais élevés
Le second lecteur, basé dans le canton de Fribourg, avait conclu une police similaire en 2008, contractée auprès de la filiale suisse, à Pfäffikon (SZ). Cette police prévoyait, contre paiement d’une prime annuelle de 3000 fr., dont 685 fr. de couverture perte de gain, le solde payant l’assurance-vie. En cas de décès, l’assurance s’engageait à verser «au moins» 83 857 fr. aux ayants-droit.
Dans son offre, l’assurance laissait augurer la constitution d’un capital-épargne de 138 815 fr. au terme du contrat, 32 ans plus tard. Soi 87% de plus que le total payé pour ses primes épargne.
Notre lecteur n’a toutefois pas attendu cette échéance pour résilier sa police. Constatant, à l’été 2023, que la valeur de rachat de sa police était, à 25 397,18 fr., de 26% inférieure au montant des primes payées jusque-là pour sa couverture vie, il a abandonné et exigé le versement de son capital auprès d’une autre institution de pilier 3a. L’assurance s’est exécutée non sans prélever encore 1543,17 fr. de frais de conclusion, immédiatement contestés par l’assuré.
A la discrétion de l’assureur
Comment en est-on arrivé là ? Là encore, les conditions générales dictent leur loi. «Sur chaque prime épargne, Scandia Leben (l’ancien nom de Youplus, ndlr) détermine la partie épargne. C’est la partie subsistant après les frais de conclusion et d’encaissement», précise l’article 21.1. En clair, l’assureur seul décide du montant de ses frais et de la part qui sera attribuée au capital de l’assuré.
Le capital est investi, ici aussi, dans des fonds que le client peut choisir dans l’éventail de l’offre de l’assureur. Mais ce n’est pas le prix du marché qui s’applique. C’est le «prix d’émission interne», détaille ce même article. Là encore, le client est laissé à l’arbitraire de l’assureur.
Interrogée par notre rédaction, là encore grâce à une procuration remise par l’assuré, Youplus livre des chiffres: le coût du risque décès est de 163,70 fr. sur la prime de 3000 fr. Les frais d’administration se montent à 0,1% du capital d’épargne et 0,3% à 0,5% de la somme de risque. Mais elle précise que ces chiffres ne sont valables que pour 2022 et changent chaque année. L’assuré est donc laissé dans l’ignorance des frais que l’assureur prélève de sa prime, ainsi que le prix auquel il lui vend les parts de fonds de placement.
En résumé
- Youplus a promis des gains importants en vendant des assurances-vie investies dans des fonds de placement.
- Les primes payées couvrent les frais et les risques. Cette part varie d’année en année et n’est pas dévoilée.
- Les parts de fonds de placement sont achetées selon des tarifs «internes» qui ne sont pas dévoilés et peuvent s’avérer plus élevés que les prix de revente des parts.