Il est temps de changer de système de chauffage, pensent de nombreux propriétaires. Le mazout, qui équipe 41% des logements, a vu son prix augmenter de 68% depuis septembre 2021. Le gaz (18% des logements) a subi une hausse de 57%. L’électricité (qui chauffe 8% des logements) va bondir en moyenne de 27%. D’où la question: quelle technologie choisir, pour quels coûts, quelles subventions et quelles économies d’impôts?
Une dizaine de solutions de chauffage sont disponibles sur le marché pour remplacer les anciens systèmes et ainsi réduire la facture. La plus courante est la pompe à chaleur. Mais les alternatives n’ont pas dit leur dernier mot, comme les chaudières à bois ou au biogaz, ou encore les raccordements à des systèmes de chauffage à distance.
Les spécialistes recommandent aussi de renforcer les isolations des toitures, des fenêtres et des façades afin de réduire les pertes de chaleur, et installer des panneaux solaires thermiques et photovoltaïques pour permettre une production propre d’eau chaude et d’électricité.
De 15 000 à 200 000 fr. d’investissement
Les montants à investir sont donc conséquents. Ils s’échelonnent d’une quinzaine de milliers de francs pour la simple pose de six mètres carrés de panneaux solaires thermiques destinés à produire de l’eau chaude pour le ménage à plus de 100 000 fr. pour les travaux d’isolation des toitures, des façades et des fenêtres. L’acquisition d’une pompe à chaleur ou d’une chaudière à bois avoisine 30 000 fr. Les travaux d’installation portent la facture entre 50 000 et 60 000 fr. en moyenne.
Or, les coûts d’équipement ont fortement augmenté depuis deux ans: +10% pour les chauffages à pellets, pour atteindre 40 000 fr. A noter que cette matière combustible a renchéri de 80% entre septembre 2021 et septembre 2022. Les pompes à chaleur ont renchéri davantage encore, aux alentours de 15%. Les prix ont subi deux poussées: celle de la désorganisation des chaînes d’approvisionnement au sortir de la pandémie de covid-19. Puis celle engendrée par la hausse de la demande cette année.
Parallèlement, les délais de livraison et d’installation se sont rallongés du fait des problèmes d’approvisionnement et du manque de travailleurs qualifiés: une attente de six mois, voire un an, entre le passage d’une commande et sa pose est courante.
Les subventions sont presque les mêmes qu’avant la pandémie. Lors de leur conception, elles devaient contribuer entre 20% et 30% des investissements. Avec la hausse des prix, leurs apports se situent plutôt entre 10% et 20%.
Le besoin accru de financement par le propriétaire a néanmoins une conséquence positive pour ce dernier: les déductions fiscales s’accroissent, entraînant une hausse de ses économies d’impôts.
15 000 francs d’économies d’impôts
Prenons le cas d’un ménage lausannois avec deux enfants déclarant un revenu annuel imposable de 150 000 fr. Il paierait près de 32 300 francs d’impôts sur le revenu (communal, cantonal et fédéral).
En déduisant 50 000 fr. d’autofinancement pour une pompe à chaleur (coût: 60 000 fr., moins subventions de 10 000 fr.), il ramène son revenu imposable à 100 000 fr. car les subventions de 10 000 francs sont ajoutées au revenu imposable. La taxe est désormais ramenée à 17 100 fr.
L’économie d’impôt se monte ici à 15 100 fr. Sur les coûts de 60 000 fr., la part financée en propre est donc réduite, pour un montant de 30 000 à 40 000 fr.
Les résultats dans les autres cantons sont comparables avec des économies d’impôts s’échelonnant de 15 000 francs à Fribourg à 17 300 francs à Genève pour une situation identique.
Subventions et économies d’impôt permettent, dans ce cas, de réduire d’un tiers le montant de son investissement pour la pose d’une pompe à chaleur. Deux tiers du financement restent donc à sa charge.
Faut-il donc reporter ou abandonner tout projet de modernisation? Pas nécessairement. Les prix de l’énergie sont aussi susceptibles de retrouver leurs niveaux d’avant-crise que de continuer de monter, rendant les comparaisons de rentabilité entre les nouvelles installations et les anciennes pour ainsi dire impossibles (voir encadré «Rentabilité floue»).
En revanche, l’usage de système à base d’énergies fossiles sera toujours plus restreint par la Loi sur le CO2. Vu la hausse des prix d’équipement et l’allongement des délais, attendre ne fait qu’accroître les risques d’un renchérissement accru d’une modernisation inéluctable.
Yves Genier
Commentaire: à simplifier d’urgence
La préparation de l’assainissement énergétique d’un logement est un labyrinthe de procédures au travers d’un mille-feuille de compétences. Les procédures d’autorisation, qui ne sont pas harmonisées entre cantons et communes, restent souvent lourdes et coûteuses. Les subventions sont distribuées par au moins cinq autorités différentes en fonction de critères disparates. Les montants alloués diminuent proportionnellement avec la hausse des prix. Les économies d’impôt ne sont pas si élevées que cela. Bref, les obstacles administratifs sont trop nombreux et les incitations financières insuffisantes pour motiver suffisamment de propriétaires à franchir le pas de la transition énergétique afin de permettre à la Suisse de remplir son engagement de neutralité carbone avant 2050. Le système doit être allégé et simplifié en introduisant un portail unique pour les demandes de subventions, en harmonisant les critères d’octroi de celles-ci et en remplaçant systématiquement les procédures de mise à l’enquête complètes par des procédures simplifiées.
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La maison modèle
Chaque situation ayant sa réalité propre, la rédaction de Mon Argent a imaginé pour l’infographie ci-dessus une maison modèle afin d’incarner un exemple de transformations potentielles, leurs investissements nécessaires et les aides possibles.
Cette maison modèle prend la forme suivante: une villa individuelle édifiée en 1980 et chauffée au mazout (avec circulation d’eau chaude dans des radiateurs). D’une surface de 170 mètres carrés et d’un volume habitable de 600 mètres cubes, elle héberge quatre personnes. Elle est située à 500 mètres d’altitude. Elle a été régulièrement entretenue.
Son propriétaire est un ménage déclarant un revenu imposable (Confédération, canton, commune) de 150 000 francs par an. Pour simplifier le calcul, il ne lui est pas compté un impôt sur la fortune (la dette hypothécaire, déductible de la fortune, équivaut la valeur fiscale de la maison et les autres avoirs).
Etapes avant d’ouvrir le chantier
- Dresser un état des lieux afin d’identifier les sources de pertes de chaleur et les améliorations potentielles de système de chauffage.
- Cet examen doit être mené par un expert et débouche sur un «certificat énergétique cantonal des bâtiments» avec mesures d’améliorations, dit CECB+. Le coût de l’examen oscille aux alentours de 2000 francs et il est au moins partiellement pris en charge par les cantons ou les distributeurs d’électricité. L’Office fédéral de l’énergie prodigue des conseils gratuits, qui ne remplacent pas le CECB+.
- Etablir un diagnostic amiante (obligatoire).
- Identifier le type de chauffage que l’on veut installer. La solution dépend de l’état de la maison, de son environnement, et évidemment du budget disponible.
- Vérifier s’il faut procéder à une mise à l’enquête complète ou si une procédure rapide suffit. La pose de panneaux solaires se fait, en principe, via des procédures simplifiées. Mais celle d’une pompe à chaleur est soumise, dans certaines communes, à une procédure complète, avec les délais (plusieurs semaines, voire mois en cas d’oppositions) et les coûts (plusieurs centaines de francs) à prévoir.
Rentabilité floue
Le calcul de la rentabilité des nouvelles installations de chauffage par rapport aux anciennes est impossible à réaliser avec exactitude. Une variable essentielle est imprécise: le prix de l’énergie. Les sources alternatives au mazout, dont le coût a toujours varié, étaient présentées comme ayant des prix stables. Or ce n’est pas le cas. Le prix du gaz et celui des pellets ont bondi ces quinze derniers mois. Celui des bûches est aussi en progression. Ils renchérissent les coûts énergétiques et rallongent la durée d’amortissement d’une nouvelle installation. Paradoxalement, les propriétaires d’installations solaires photovoltaïques bénéficient des hausses de prix de l’électricité: ils revendent plus cher leurs surplus de courant, notamment l’été, ce qui leur permet de raccourcir la durée d’amortissement. Mais, dans le contexte actuel des prix de l’énergie, nul ne sait combien de temps les hausses actuelles se maintiendront.
Des sites à consulter
- francsenergie.ch le site de référence pour trouver et calculer les subventions.
- pronovo.ch Le calculateur de subventions pour les panneaux solaires.
- energiezukunftschweiz.ch le site de la Fondation suisse pour l’énergie, un organisme qui dispense des subventions.
- suisseenergie.ch Le site de la Confédération sur les énergies renouvelables, avec conseils et calculateurs en ligne.
- testfraisdechauffage.ch Un site qui explique comment comprendre sa facture de chauffage et permet d’estimer les économies potentielles.
- energie-environnement.ch Des conseils sur la construction, l’isolation et le chauffage dans le respect de l’environnement.