En octobre 2013, un lecteur genevois souscrivait à une assurance viagère avec un spécialiste de cette activité, les Rentes Genevoises (RG). Le principe de la rente viagère est de transformer un capital – versé en une fois ou constitué au fil des années – en une rente payée au cours d’une période déterminée ou jusqu’au décès de son bénéficiaire.
Notre lecteur a versé 484 372,45 fr. En contrepartie, les RG lui ont garanti le versement d’une rente mensuelle de 1589,55 fr. dès février 2015. Sa rente pouvait être complétée par une participation aux excédents.
Ces excédents doivent être issus des rendements des placements faits par les RG avec les avoirs de ses clients. La participation aux excédents est un argument régulièrement avancé par les compagnies d’assurance sur la vie – dont les RG – pour convaincre de nouvelles personnes de souscrire à leurs offres.
Pour notre lecteur, les premières années se passent conformément aux attentes. Sa rente mensuelle est augmentée de la participation aux excédents.
Mais à partir de 2018, la situation change. La participation aux excédents ne lui est plus versée. En mai 2022, il écrit aux RG: «Pour toucher la rente actuelle, je n’ai pas besoin des Rentes Genevoises; il me suffit d’imputer le capital mensuellement du montant versé et capitaliser sur la durée d’éventuels intérêts perçus.» En clair: il estime ne rien gagner du fait d’avoir confié son argent à l’assureur.
En mai 2023, toujours privé de participation aux excédents, il écrit sa frustration au directeur général des RG: «J’ai l’impression que je ne fais que de l’autofinancement sans bénéficier d’éventuels revenus sur capital investi.»
L’ordre de distribution
Interpellées par notre rédaction, les RG expliquent que les rendements des placements de ces dernières années n’ont pas été suffisants pour verser à notre lecteur la participation aux excédents qu’il espère.
Pourtant, lors des exercices 2019 à 2021, pour lesquels notre lecteur se plaint de ne rien avoir reçu, les RG ont distribué des compléments d’excédents à certains de leurs assurés: 323 075 fr. la première année, 409 774 fr. la deuxième et 582 784 fr. la troisième.
Ces montants sont décidés par le conseil d’administration des RG sur la base des performances de leurs placements et de l’état de leurs réserves selon les critères définis dans le «Règlement en matière de réserves, solvabilité, participation aux excédents et revalorisation des rentes». Les RG ont refusé de communiquer le contenu de ce règlement à notre rédaction. Elles ont néanmoins indiqué qu’il édicte les principes visant à «garantir la pérennité des Rentes Genevoises sur le long terme, au profit des assurés».
En application de ces principes, le conseil d’administration alloue les excédents en priorité aux affiliés bénéficiant de taux techniques garantis les plus bas. Le taux technique garanti détermine l’intérêt versé chaque année par les RG sur l’avoir de leur affilié durant toute la durée de leur contrat. Il revalorise l’avoir du bénéficiaire, mais pas sa rente.
Or, selon les RG, notre lecteur bénéficie d’un taux technique garanti trop élevé pour pouvoir toucher une part d’excédents. Sa rémunération, qui est de 1,6% par an, est plus du double de celle des polices comparables conclues plus récemment (dont la rémunération est de 0,75%), expliquent les RG.
Distribué tout de suite ou plus tard
«Plus le taux technique de la police est élevé, plus le montant attribué au titre de complément baisse», précisent les RG. Les rentiers dont les avoirs jouissent d’une rémunération supérieure à la moyenne, comme celui de notre lecteur, viennent après les avoirs moins rémunérés lorsque les excédents sont distribués.
Les RG disent «effectuer un arbitrage entre le montant qui est mis en réserve, au profit des assurés (rentiers et non-rentiers), pour un cas de crise financière, et le montant qui est distribué immédiatement aux rentiers». La rémunération des avoirs bénéficiant de taux techniques élevés, comme celui de notre lecteur, accroît les réserves financières des RG servant au paiement des rentes. Les affiliés concernés les toucheront s’ils deviennent très âgés. A l’inverse, les rentiers dont les avoirs sont plus faiblement rémunérés bénéficient parfois immédiatement des participations aux excédents.
Ce système a pour effet que les affiliés au bénéfice de taux élevés reçoivent moins d’argent directement que les affiliés dont le taux est plus bas.
Les RG se veulent rassurantes, toutefois, envers notre lecteur: «Le fait que le complément d’excédents ne lui soit plus versé depuis 2018 ne signifie pas qu’il n'en recevra plus à l’avenir.»
Cependant, notre lecteur fait part de sa frustration après avoir pris connaissance des explications des RG: «On m’oppose des éléments qui n’ont jamais été soulevés lors de ma souscription.»
Comparez les prestations
Avant de souscrire à une assurance-vie ou une assurance de rente, comparez les prestations que vous pouvez obtenir de votre caisse de pension si vous rachetez des années de cotisations plutôt que de placer votre avoir dans une assurance. Si les rentes sont plus élevées avec votre caisse de pension, privilégiez-la.