Mauvaise surprise pour un salarié bernois. La lecture de son certificat de prévoyance pour l’année 2021 établi par son employeur d’alors révèle que le patron avait cotisé nettement moins que lui.
La différence est même massive: alors que le salarié avait payé 5835 fr., son employeur n’avait versé, lui, que 204 fr. En d’autres termes, l’employé a contribué à 96,6% des cotisations de prévoyance alors que son employeur n’a apporté que 3,4%. Très loin de la parité!
Pourtant, «l’égalité de traitement est un principe de base dans la prévoyance professionnelle», rappelle Nina Lerch, de la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP), le super-gendarme des caisses de pension, à Berne. Ce principe se traduit par l’exigence, inscrite dans la loi, que l’employeur contribue au moins autant que ses salariés à la caisse de retraite.
Egalité de traitement
Surpris par l’apparente contradiction entre l’affirmation du principe de parité inscrit dans la loi et le grand déséquilibre qu’il lit sur son certificat de prévoyance, notre lecteur soumet son cas à l’Autorité bernoise de surveillance des institutions de prévoyance et des fondations (ABSPF), qui surveille les caisses de pension des cantons de Berne et de Fribourg. Celle-ci a qualifié cette communication de «dénonciation» et annoncé qu’elle «prendrait des mesures si celles-ci devaient d’avérer nécessaires».
Concrètement, la décision de l’autorité de surveillance interrompt la liquidation de l’institution de prévoyance. Cette liquidation avait été décidée en 2023 après la vente de l’entreprise dont elle organisait la retraite des employés. Cette procédure n’est pas terminée.
Informés de l’enquête de l’autorité de surveillance, les responsables de la caisse affirment à leur ancien affilié que les calculs du certificat de prévoyance sont conformes à la Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP). Celle-ci dit, à son article 66, que «la somme des cotisations (contribution) de l’employeur doit être au moins égale à la somme des cotisations de tous les salariés».
Le Code des obligations dit exactement la même chose à son article 331, lequel concerne les cotisations d’assurance dans le monde du travail: «L’employeur est tenu de verser une contribution au moins égale à la somme des cotisations de tous les travailleurs.»
En d’autres termes, si les salariés de l’entreprise cotisent, en tout, un million de francs, l’entreprise doit aussi payer un million de francs.
Les salariés inégaux
Toutefois, Nina Lerch, de la CHS PP, précise que «rien n’exige que le financement soit paritaire au niveau de chaque assuré». En d’autres termes, la loi permet à l’institution de prévoyance de décider que l’employeur contribue à moins de la moitié des cotisations de certains salariés si elle paye davantage que 50% pour d’autres salariés.
C’est ainsi qu’était organisée l’ancienne caisse de retraite de notre lecteur. «A salaire égal, si vous faisiez encore partie du personnel, vous verseriez toujours 5835 fr. par an jusqu’à l’âge de votre retraite alors que l’employeur verserait une contribution bien supérieure», écrit-elle à son ancien salarié. Et de désigner ce système comme «une solidarité de financement entre assurés jeunes et assurés âgés».
Laquelle peut aussi se lire autrement: auprès de cette entreprise, les jeunes payent pour leurs aînés (voir le graphique ci-dessus). Cette disposition n’est, précise l’assureur Swisslife, qui gère la caisse de retraite, «en aucun cas contraire à la loi puisque la cotisation personnelle d’un assuré peut se trouver au-dessus de celle de l’employeur, pour autant que le Code des Obligations soit respecté».
Mais l’assureur reconnaît toutefois que, par cette répartition, «la caisse de retraite défavorise ainsi la classe d’âge de 25 à 34 ans au profit des classes d’âge plus élevées». Donc: au nom de la solidarité entre classes d’âge, les jeunes ne pouvaient espérer récupérer leurs parts de cotisations patronales que s’ils restaient au sein de l’entreprise au-delà de l’âge de 34 ans.
Notre rédaction a cherché à plusieurs reprises à joindre le président de la caisse de pension. Ancien propriétaire et directeur de l’entreprise, celui-ci n’a jamais répondu à nos questions.
Il paye plus que son chef
Les différences de contributions patronales aux cotisations de prévoyance professionnelle peuvent aussi s’appliquer à d’autres situations que les tranches d’âge. Ainsi, une même caisse de pension peut prévoir plusieurs plans différents selon la spécialisation dans l’entreprise ou le niveau hiérarchique du salarié.
Certains plans peuvent prévoir une contribution de l’employeur aux cotisations de prévoyance bien supérieures à celles prévues dans d’autres plans. Ainsi, si un patron veut avantager ses cadres, il peut prévoir un plan de prévoyance – ou collectif – particulier dans lequel il cotise beaucoup plus que pour les plans auxquels sont affiliés ses autres salariés. La seconde Ordonnance sur la prévoyance professionnelle (OPP2) stipule que c’est au niveau du «collectif» (ou plan de prévoyance), et non pas de la caisse, que «le principe de l’égalité de traitement» s’applique.
C’est ce qu’explique Nicole Lerch, de la CHS PP: «Il est possible de faire varier la répartition du financement entre chaque collectif. Cette décision est laissée à l’appréciation de l’institution de prévoyance concernée.»
En clair, un employé ordinaire peut cotiser plus de la moitié de son avoir de retraite alors que son patron cotisera plus de la moitié de l’avoir de retraite de son chef.
Yves Genier
Conseils
Lisez votre certificat de prévoyance. Au chapitre «Cotisations annuelles», examinez le montant de la «cotisation salariés» et comparez-le avec la cotisation totale. Si le résultat montre que l’employeur a moins contribué que vous, consultez le règlement de votre caisse et demandez à son gérant ou à ses dirigeants qu’il vous explique la différence.
Il n’est malheureusement pas possible de changer de caisse de pension sans changer d’employeur. Mais les salariés sont représentés à la direction de la caisse, où leur voix compte autant que celle de l’employeur. Si les cotisations sont trop déséquilibrées, il est possible d’exiger une adaptation des plans de retraite pour rétablir l’équilibre, même si le procédé est lourd et lent.
En cas de doute ou de conflit: signaler le cas à l’autorité de surveillance de votre canton. Si celle-ci constate des enfreintes à la loi, elle dénonce le cas devant la justice pénale.
Sites internet utiles
- Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP): oak-bv.admin.ch
- Autorité bernoise de surveillance des institutions de prévoyance et des fondations (ABSPF) (pour les cantons de Berne et de Fribourg): aufsichtbern.ch
- Autorité cantonale de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance (ASFIP) (pour le canton de Genève): asfip-ge.ch
- Autorité de surveillance LPP et des fondations de Suisse occidentale (As-So) (pour les cantons du Jura, Neuchâtel, Valais et Vaud): as-so.ch