Voici un arrêt qui intéressera les petites (ou grandes) entreprises qui s’estimeraient injustement écartées d’un marché public. Le Tribunal fédéral vient de serrer la vis à une administration qui voulait attribuer un peu vite un gros contrat à un partenaire de longue date. Dorénavant, l’autorité qui entend faire l’impasse sur une procédure obligatoire d’appel d’offres pour passer par une adjudication de gré à gré doit impérativement prouver qu’elle ne peut pas, pour des raisons techniques ou économiques, retenir un autre candidat. Elle doit donc avoir cherché activement une autre solution.
Avant cette décision, c’était le régime inverse qui était appliqué: les concurrents devaient démontrer qu’ils disposaient d’une solution de rechange adéquate s’ils voulaient s’opposer à une adjudication de gré à gré. Cette exigence, très critiquée par la doctrine, était basée sur l’arrêt dit «Microsoft» du 11 mars 2011.
C’est l’Etat de Vaud, et plus précisément sa Direction générale du numérique et des systèmes d’information, qui a fait les frais de ce revirement. Sans passer par un appel d’offres, elle avait décidé d’acquérir la nouvelle version d’une application utilisée depuis 2005 pour gérer les ressources et le fonctionnement du Service des automobiles, et de prolonger jusqu’en 2034 sa collaboration avec la société argovienne qui gérait le logiciel. Le tout, pour un montant de près de 46 millions de francs.
Cette façon de procéder n’a pas plu à une société concurrente saint-galloise, qui a porté l’affaire devant les tribunaux. La Direction générale a tenté de se barricader derrière l’arrêt «Microsoft». Pour elle, il n’était simplement pas envisageable de changer de fournisseur pour des raisons techniques et économiques, et elle n’avait pas à prouver qu’il n’existait aucune autre solution sur le marché.
A tort. La justice a estimé que la procédure d’adjudication de gré à gré ne doit être utilisée que de manière particulièrement restrictive. Notamment pour des questions de transparence et pour éviter les entorses à la concurrence. L’autorité adjudicatrice, à savoir l’administration vaudoise, aurait donc dû démontrer qu’elle avait cherché activement des solutions alternatives, ce qu’elle n’a pas fait. L’adjudication est annulée et devra passer par la procédure d’appel d’offres ordinaire. Silvia Diaz
Arrêt 2C_50/2022 du 6 novembre 2023