S’appuyant sur des arguments de simplicité, de modernité, voire de gratuité, les néobanques se sont installées dans de nombreuses poches. Ou, plus exactement, dans de nombreux téléphones portables. Mais sont-elles effectivement si simples et si bon marché? Quelle est la contrepartie de ces avantages pour les clients? Le fait est que, derrière les promesses, la réalité n’est pas aussi simple ni aussi bon marché. Mon Argent a passé en revue les prestations de 16 institutions financières exclusivement accessibles aux résidents suisses par téléphone et par ordinateur.
1. Choisir sa néobanque
L’éventail des offres étant plus restreint que pour une banque traditionnelle, il convient de bien identifier ses besoins avant d’ouvrir une relation. Pour les opérations courantes, les établissements qui offrent un compte courant, une carte de débit et des coûts de transfert au plancher sont à privilégier: les suisses Neon, Yuh, Yapeal et CSX, les étrangères Currencyfair, Everestcard, N26, Revolut et Wise. Pour le 2e ou le 3e pilier, CSX, Frankly, VIAC, Yapeal et Zak font l’affaire. La gestion de patrimoine est assurée par Alpian, True Wealth et Zwei Wealth, et le négoce par Alpian, Flowbank et Yuh.
La plupart offrent plusieurs niveaux de prestation avec des tarifs différents. Pour des utilisations uniques et peu fréquentes, mieux vaut s’en tenir à l’offre de base, qui est aussi ordinairement la plus économique. Les comparaisons ci-dessous sont celles des offres de base.
La majorité des institutions sont supervisées par la Finma: Alpian et Flowbank ont une licence bancaire à leur nom. CSX, Frankly, Neon, Yuh et Zak par l’intermédiaire d’une banque actionnaire ou partenaire. Elles jouissent de la garantie des dépôts de 100 000 fr. Yapeal a une licence fintech, ce qui signifie qu’elle ne peut pas verser d’intérêts. Zwei Wealth a une licence de gestionnaire de placements, ce qui en fait un conseiller en placements et non pas une banque dépositaire. VIAC est supervisé par l’Autorité de surveillance des caisses de pension des deux demi-cantons de Bâle, l’argent étant déposé auprès d’une banque.
Enfin, Currencyfair, Everestcard, N26, Revolut et Wise sont supervisées par des autorités étrangères, respectivement irlandaise, luxembourgeoise, allemande et britanniques. Elles jouissent des garanties des dépôts européenne et britannique. Les Suisses peuvent y recourir tout à fait légalement, mais doivent s’adresser à Bonn Dublin, Londres ou à Luxembourg en cas de problèmes (voir le tableau «Qui possède, qui surveille»). Tant que ces établissements n’ont pas de présence physique en Suisse, la Finma n’exerce aucune surveillance.
2. Ouvrir une relation
Tous les sites offrent un bouton bien visible pour ouvrir un compte. Certains d’entre eux pointent directement vers un code QR ou des liens vers le Play Store de Google et l’App Store d’Apple. Il s’agit d’Alpian, Neon, N26, Revolut, Yapeal, Yuh et Zak. Les autres dirigent le prospect vers un formulaire en ligne à remplir.
Toute ouverture de relation implique, en plus des données personnelles, l’envoi d’une photo de sa carte d’identité (ou passeport) et d’un selfie. Les néobanques qui ont un partenariat avec des banques installées sont toutefois susceptibles de ne pas demander ces vérifications si la demande est adressée par un client de leur banque partenaire. C’est le cas de CSX (Credit Suisse/UBS), Frankly (ZKB), Neon (Banque hypothécaire de Lenzbourg), True Wealth (Banque cantonale de Bâle-Campagne), VIAC (Wir), Yuh (Swissquote et Postfinance) et Zak (banque Cler).
Zwei Wealth, par exception, n’a pas d’application par ordinateur. Son modèle d’affaires en fait néanmoins une néobanque.
Les principales banques traditionnelles appliquent les mêmes procédures d’inscription électroniques. En revanche, ouvrir une relation auprès d’une banque Raiffeisen ou d’une caisse régionale implique encore souvent de se rendre au guichet.
3. Choisir ses comptes
Le compte courant est l’offre la plus disponible. Douze néobanques en offrent un: Alpian, CSX, Currencyfair, Everestcard, Flowbank, N26, Neon, Revolut, Wise, Yapeal, Yuh et Zak, et c’est gratuit pour un service de base (sauf chez CSX: 3 fr./mois, et Alpian: 45 fr./trimestre). Ce sont ces comptes qui permettent de payer, transférer, retirer, autant d’actions de la vie courante. En revanche, ces comptes ne sont pas toujours rémunérés. Certaines versent des intérêts: Alpian (1%), Neon (0,4%), Wise (dépend de la devise), Yuh (1%), tandis que d’autres ne le font pas: CSX, Currencyfair, Everestcard, Flowbank, N26, Revolut, Wise, Yapeal et Zak.
Six néobanques seulement offrent aussi des comptes d’épargne. Trois d’entre elles versent des intérêts: CSX (0,75%), Yuh (1%) et Zak (0,75%) tandis que Neon, N26 et Yapeal ne rémunèrent pas les avoirs de leurs clients. Ces conditions ne se distinguent pas de celles des banques traditionnelles. La rémunération des comptes d’épargne s’étale de 0% (Cembra, Banque Alternative) à 0,85% (banque CIC). Plus de détails en page X et sur monargentmag.ch (voir aussi tableau «Ce qu’il en coûte d’avoir un compte et une carte»).
4. Payer
Les néobanques spécialisées dans la banque universelle permettent de transférer des avoirs sans frais en francs et en euros. Cela s’applique notamment pour des achats ou des réservations en ligne. C’est le cas d’Alpian, CSX, N26, Neon, Revolut, Yapeal, Yuh et Zak ou presque. Certaines permettent aussi le paiement instantané aux autres détenteurs d’un compte auprès de leur établissement.
Cela se complique au moment de faire un paiement en devises, par exemple en euros. Certaines appliquent les taux de conversion des cartes de crédit, qui incluent quelque 2% de frais (Neon, Zak); d’autres facturent une commission de change (Flowbank, Revolut, True Wealth, Wise, Yapeal, Yuh). Currencyfair facture une transaction 3 euros. Everestcard offre la gratuité pour les cinq premières transactions mensuelles en euros, puis facture un euro par paiement supplémentaire en Europe, et 15 euros par paiement hors d’Europe. CSX applique le taux de change des devises tandis que Zak cumule la commission de change des cartes de crédit et la sienne. Il est possible de mitiger ces frais en prenant des prestations plus coûteuses (voir le tableau «Combien coûte un achat à l’étranger»).
5. Retirer
La gratuité annoncée des retraits d’argent au bancomat est limitée. Les règles varient d’une institution à l’autre. Généralement, les trois à cinq premiers retraits au cours du mois sont sans frais. Au-delà, des taxes s’appliquent, calculées en pour-cent de la somme retirée ou selon des montants forfaitaires (voir tableaux «Retirer, changer, ce que ça coûte» et «Combien coûte un retrait à l’étranger»).
6. Prévoir
Trois néobanques proposent des comptes de libre passage pour le 2e pilier: CSX, Frankly et VIAC. A celles-là s’ajoutent True Wealth, Yapeal et Zak pour des offres de pilier 3a. Seule CSX propose un compte de libre passage, au taux d’intérêt de 0,2% et un compte de pilier 3a au taux de 0,6%. Sinon, toutes proposent des comptes de dépôt, c’est-à-dire placés dans des fonds ou directement dans des titres.
Ces fonds sont gérés par leurs banques partenaires. Ils n’offrent pas de meilleures performances que les fonds des autres banques. Mais leurs frais sont un peu moins élevés. VIAC facture jusqu’à 0,44% passé une franchise de 8500 fr. Yapeal facture 0,42% de la valeur du portefeuille par an pour confier les avoirs de ses clients à la banque Vontobel. Frankly n’est que l’application de pilier 3a de la Banque cantonale de Zurich: les fonds sont gérés par cette dernière.
7. Investir
Trois néobanques permettent un négoce facilité d’actifs financiers comme des titres, des dérivés, des cryptomonnaies ou des matières premières: Alpian, Flowbank et Yuh. Les deux premières s’adressent à un public disposant d’un certain niveau de compétences et d’une surface financière supérieure à la moyenne. Yuh est beaucoup plus généraliste à cet égard. Mais son offre est plus restreinte: elle comprend des actions et des fonds en Suisse et à l’étranger mais se limite aux actifs les plus liquides. L’amateur de spécialités n’y trouvera pas forcément ce qu’il y cherche.
Les frais sont calculés au pourcentage des montants investis: de 0% à 0,5% chez Flowbank en fonction de l’actif négocié (et 0,1% de droits de garde), 0,5% à 1% chez Yuh.
Trois néobanques offrent des services de gestion de fortune: Alpian, True Wealth, et Zwei Wealth, pour des commissions allant de 0,1% (portefeuille de plus de 500 millions de francs chez Zwei Wealth) à 0,75% (Alpian).
8. Emprunter
Il est même possible d’emprunter de l’argent à une institution: VIAC accorde des hypothèques. Ou, pour être exact: les fonds sont avancés par la banque WIR, dont VIAC n’est que l’intermédiaire. Les critères d’éligibilité sont les mêmes que pour les autres banques en matière de revenus et de fonds propres. Les durées sont limitées à trois ans (hypothèque Saron, variable tous les trois mois), cinq et dix ans. Les taux ne sont pas forcément les plus attractifs mais se trouvent parmi les plus avantageux des offres bancaires.
N26 accorde des crédits à la consommation jusqu’à 50 000 euros à un taux voisin de 4,6%. Mais ce service ne s’adresse pas à ses clients domiciliés en Suisse.
Néobanques exotiques, néobanques qui disparaissent
Il peut être tentateur d’ouvrir un compte auprès d’une néobanque exotique, quitte à employer une adresse de complaisance, pour obtenir des prestations à des prix réduits ou de meilleurs taux d’intérêt. Mais en cas de difficultés, l’éloignement du siège de l’institution accroît les problèmes. De plus, la réglementation financière du pays où siège l’institution peut moins bien protéger le client que ne le font les textes suisses et européens. Enfin, toutes les autorités de surveillance financières ne se valent pas.
Certaines néobanques disparaissent faute de succès: OrangeBank, en France, a cessé de fonctionner en juin dernier. Six mois plus tôt, c’est l’allemande Nuri qui a mis la clé sous la porte.
Qu’est-ce qu’une néobanque?
Une néobanque est un établissement financier très automatisé, aux produits simplifiés, à bas coûts, dont les prestations sont exclusivement accessibles par une application de téléphone portable et un site internet. C’est ce qui la distingue des banques classiques, qui sont toutes présentes sur la Toile et par téléphone, et parfois sans guichet, mais dont les prestations sont plus larges et parfois plus coûteuses.
Il n’existe pas de définition juridique de la néobanque en Suisse. La Finma accorde des «autorisations fintech» aux jeunes entreprises offrant des services financiers. Cette licence leur permet de s’adresser au public à la condition de ne pas accueillir plus de 100 millions de francs d’épargne, qu’elles n’ont pas le droit non plus de rémunérer ni de réinvestir. Des régimes similaires existent à l’étranger, à l’instar de la «licence de monnaie électronique» au Luxembourg.