Deux frères n’ont pas renoncé à temps à l’héritage de leur père. En effet, pour être valable, la répudiation doit être faite dans un délai de trois mois, à partir du moment où les héritiers légaux prennent connaissance du décès. Or, les deux frères ont demandé de répudier la succession trois ans après le décès! L’affaire a été portée devant les tribunaux.
Passé le délai de trois mois, pour obtenir à nouveau le droit de refuser une succession, il faut se prévaloir d’un motif justificatif. Le juge doit analyser ce que l’intéressé a entrepris ou aurait pu entreprendre pour connaître l’état de la succession durant le délai ordinaire de répudiation.
Devant les juges, les deux frères exposent, comme motif justificatif, que c’est suite à un entretien téléphonique en 2023 avec leur mère qu’ils décident d’entamer une répudiation. Durant cet appel, elle leur explique que ses avocats fiscalistes ont eu un rendez-vous avec l’administration fiscale quelques jours plus tôt: l’autorité envisage de procéder à un rappel d’impôts en lien avec l’argent hérité et projette de leur infliger une amende pour évasion fiscale, le tout se chiffrant à plusieurs millions de francs suisses. La fratrie allègue n’avoir jamais été directement informée par l’administration de cette situation fiscale et qu’ils n’étaient, par conséquent, pas en mesure de déterminer comment celle-ci allait être traitée avant cette discussion, ce qui explique le dépôt tardif de leur demande.
Néanmoins, la justice est extrêmement exigeante et, après que les deux frères ont été déboutés par les instances précédentes, le Tribunal fédéral confirme l’analyse de ces dernières. En effet, il observe que l’appel téléphonique en question n’avait duré que deux minutes. Or, une conversation aussi brève ne pouvait laisser assez de temps pour expliquer la teneur de l’affaire. En outre, les juges reprochent aux intéressés de ne pas avoir sollicité l’administration fiscale afin que celle-ci confirme n’avoir envoyé préalablement aucune information sur le traitement fiscal de la succession. De fait, les deux frères n’ont amené aucune preuve à ce sujet. Le Tribunal fédéral précise que la Cour cantonale ne doit pas se livrer à une investigation de sa propre initiative, ni, le cas échéant, de rechercher dans le dossier des moyens de preuve en faveur des recourants, ce d’autant moins que ceux-ci étaient représentés par un avocat.
Les juges rejettent le recours et finissent par constater que la fratrie a été négligente en s’abstenant, au décès de leur père, de s’interroger au sujet des dettes de la succession par le biais, notamment, d’un bénéfice d’inventaire.
Arrêt 5A_823/2023 du 5 mars 2024