Lorsqu’un affilié à une caisse de pension décède, son conjoint survivant obtient une rente. Celle-ci est aussi versée aux enfants mineurs ou à charge. Mais s’ils sont majeurs et autonomes financièrement, ce n’est plus la rente qui leur est allouée, mais une somme d’argent prélevée sur l’avoir de retraite de la personne disparue. L’on appelle cette somme le capital-décès.
Cette ultime générosité varie énormément selon les caisses de retraite: certaines d’entre elles accordent de belles sommes. D’autres absolument rien.
«Injuste»
C’est la découverte qu’a faite une lectrice neuchâteloise à la suite d’un décès survenu récemment dans sa famille. Le fils de la personne disparue, âgé de plus de 25 ans, ne pouvait plus recevoir de rente d’orphelin car en mesure de s’assumer au plan financier. Mais il avait droit à une somme fixe allouée par la caisse de prévoyance.
Au moment de découvrir la somme, surprise: elle ne se montait qu’à 10 000 fr. alors que l’avoir de prévoyance se montait à 170 000 fr. «Le solde a été conservé par la caisse de retraite. Nous avons trouvé cela injuste», déplore notre lectrice.
La Caisse de pensions du canton de Neuchâtel (CPCN) a effectivement inscrit à l’article 50 de son règlement d’assurance la limite de 10 000 fr. «indépendamment du degré d’occupation ou d’autres prestations versées par la caisse». Cela signifie que si le jeune homme avait encore été à charge, il aurait touché, en plus, une rente d’orphelin. Mais s’il avait eu une fratrie, il aurait dû partager cette somme à parts égales.
Trop cher
La CPCN n’est pas la plus restrictive de ce point de vue. La Caisse de pensions du personnel communal de Lausanne (CPCL) n’accorde aucun capital-décès. Elle alloue une rente d’orphelin, comme les autres institutions de prévoyance, laquelle s’élève à 20% de la rente de retraite du défunt. Mais passé la majorité ou la fin de la formation ou des études, son soutien financier s’arrête.
Comme celle de Neuchâtel, l’institution lausannoise se justifie par la faiblesse de son taux de couverture. Or, poursuit-elle, «une adaptation du Règlement d’assurance visant à payer un capital décès doit nécessairement s’inscrire dans une démarche globale de révision du plan de prévoyance, car ceci modifie l’équilibre entre financement et prestations».
En clair: payer un capital-décès augmenterait les coûts. Ceux-ci devraient être couverts par des apports financiers. Or, poursuit-elle, «le financement est du ressort du Conseil communal de la ville de Lausanne». La caisse renvoie la responsabilité d’un changement au législatif de la cité vaudoise.
La Caisse de pension de l’Etat de Vaud (CPEV) n’est pas plus généreuse à cet égard. Cela s’explique, déclare-t-elle à notre rédaction, par les «nombreuses autres prestations» de la caisse, qui applique le régime de la primauté des prestations. Ce régime a un coût élevé alors que l’institution de droit public est, comme celle de la ville de Lausanne, en sous-couverture.
Libre-choix
Alors que le 2e pilier est extrêmement réglementé, il n’existe pas de règle dans la loi ni dans ses ordonnances d’application en matière de capital-décès. Chaque caisse est libre de se montrer généreuse ou pingre. Un pointage fait par notre rédaction auprès de grandes institutions publiques et privées romandes montre néanmoins que l’octroi d’un tel capital est la pratique de loin la plus courante.
Ainsi, les caisses de prévoyance de l’Etat de Fribourg (CPEF) et du Valais (CPO) prévoient qu’un montant «égal à la moitié de la prestation de sortie accumulée à la date du décès» soit alloué. Ainsi, si l’affilié a accumulé 200 000 fr. lors de son décès, le bénéficiaire touchera 100 000 fr.
La Caisse de pensions de la République et canton du Jura applique une clé un peu moins favorable: le bénéficiaire ne touche que 45% de l’avoir accumulé. Soit, dans le cas d’un avoir de 200 000 fr., un capital-décès de 90 000 fr.
La prestation de la Caisse de pension de l’Etat de Genève (CPEG) est moins généreuse: «le capital est égal aux versements effectués par la ou le défunt.e», stipule de règlement. Si le défunt a accumulé 200 000 fr. d’avoir de prévoyance, ses héritiers n’en toucheront que 66 000 fr. environ car les affiliés de la caisse ne payent que le tiers de leurs cotisations, l’Etat-employeur assumant les deux tiers restants.
Prodigalité
De nombreuses caisses du secteur privé, notamment celle de la Fondation collective des banques cantonales, appliquent la même répartition que les caisses fribourgeoise et valaisanne: l’orphelin a droit à la moitié de l’avoir. Mais d’autres se montrent plus généreuses. Ainsi, celle de Migros alloue 50% de l’avoir par enfant survivant. S’ils sont plusieurs, ils ont droit chacun à 50% de l’avoir.
Enfin, certaines caisses bien capitalisées se montrent encore plus prodigues. Ainsi, celle de Nestlé alloue la totalité de l’avoir à l’orphelin. Néanmoins, s’ils sont plusieurs, ils doivent se partager la somme.
Yves Genier