Joint aux feuilles de salaire dès la fin janvier, le certificat de prévoyance fait soupirer la plupart des travailleurs. Pourtant, ce document d’aspect peu avenant en dit long sur la progression de leur 2e pilier, et donc de leurs revenus de futurs retraités. A défaut d’être amusante, sa lecture reste donc hautement instructive, voire nécessaire.
Pour y voir plus clair, rien de mieux que des exemples concrets. Notre rédaction s’est procuré trois certificats LPP, aux salaires et avoirs de vieillesse variés: des pièces reçues en 2024 par une enseignante de 48 ans employée à 60%, un graphiste de 42 ans à 80% et une vendeuse de 59 ans à 80%. Ces trois profils ont connu des parcours professionnels plus ou moins réguliers, et ont été assurés auprès d’institutions de prévoyance de nature et de fonctionnement différents. Autant de facteurs qui déterminent le niveau des revenus que l’on peut espérer toucher à la retraite.
Les caisses de pensions sont libres de choisir la forme et le contenu des certificats de prévoyance, guidées notamment par leur règlement interne. D’où des modes de calcul, barèmes et annotations propres aux uns et non aux autres. Tous les certificats ne possèdent pas non plus le même degré de transparence sur les conditions générales et le régime de prévoyance de la caisse. Et les renvois à des documents en ligne ne permettent pas toujours d’y voir plus clair… Voici, pas à pas, comment en saisir les informations les plus importantes:
1. Salaire assuré
Appelé parfois aussi salaire LPP, coordonné ou imputable, le salaire assuré représente la partie du revenu véritablement couverte par le 2e pilier. Il correspond au salaire annuel brut ou salaire AVS amputé d’une déduction de coordination (26 460 francs pour 2025). Cette somme n’a en effet pas besoin d’être assurée dans le cadre du 2e pilier, puisqu’elle l’est déjà par l’AVS/AI.
La caisse de pension peut appliquer une déduction de coordination moindre voire la supprimer, ce qui accroît le salaire assuré et les rentes, mais aussi les cotisations de l’employeur et de l’employé (lire point n° 2). Dans nos exemples, la Caisse de prévoyance de l’Etat de Fribourg (CPEF) adopte une déduction de coordination moindre – de 15 584 francs, soit adaptée à un temps partiel de 60%, tandis que celle d’Allianz Suisse la supprime. Précision importante sur le salaire assuré: il est normalement plafonné à 90 720 francs. Au-delà de cette limite, le salaire est couvert et les cotisations sont versées dans la part dite surobligatoire, gérée librement par la caisse de pension, sans minimaux imposés (lire points nos 3 et 4).
2. Cotisations mensuelles/annuelles
L’employé et l’employeur versent chaque mois à la caisse de pension des cotisations, appelées aussi contributions ou bonifications. Ces montants se répartissent souvent à parts égales entre les deux – mais le patron peut décider de cotiser davantage. Comme dans notre exemple de la CPEF, où le total annuel versé est de 2000 francs plus élevé que celui de la salariée: cette générosité permettra de payer des rentes plus élevées à la retraite.
Les cotisations augmentent avec l’âge: 7% du salaire brut de 25 à 34 ans, 10% de 35 à 44 ans, 15% de 45 à 54 ans et 18% de 55 ans à la retraite. Ces versements incluent l’argent accumulé pour les vieux jours, mais aussi la cotisation risque finançant l’invalidité et le décès, et la contribution aux frais administratifs.
3. Capital / Avoir de vieillesse
Il s’agit du montant que l’assuré peut espérer toucher une fois retraité. Il correspond à la somme de son avoir prévisionnel, avec les intérêts qui s’accumuleront jusqu’à la retraite. L’institution doit au minimum rémunérer la partie obligatoire au taux fixé par le Conseil fédéral (1,25% pour 2025). La part surobligatoire, en revanche, n’y est pas soumise: la caisse de pension est donc libre de la rémunérer à un taux inférieur, voire pas du tout.
Dans nos exemples, SwissLife et la CPEF ne sont pas transparents sur le taux d’intérêt appliqué à la part surobligatoire. Allianz indique projeter un taux de 0,5% pour la première année, et de 1,25% pour les suivantes. Ce dernier chiffre paraît très optimiste: dans la réalité, il n’y a aucune garantie qu’il soit aussi élevé.
4. Rente/pension annuelle de retraite
Elle s’obtient en multipliant l’avoir de vieillesse projeté à la retraite par le taux de conversion. Celui-ci sert à fixer la rente LPP que l’on touchera, selon son capital. Depuis 2014, le taux de conversion est de 6,8% pour la part obligatoire. En d’autres termes, pour 100 000 francs d’avoir de vieillesse, on touchera 6800 francs de rente par année. Pour la part surobligatoire, les caisses sont libres d’utiliser un taux inférieur.
Nombre d’institutions appliquent, au lieu de taux distincts, un seul taux «enveloppant» sur la totalité de l’épargne. Celui-ci peut être plus bas que 6,8%, à condition qu’il garantisse les prestations légales sur la part obligatoire. C’est le cas ici pour SwissLife et la CPEF, même si le taux n’est mentionné nulle part. Des calculs permettent de le situer à respectivement 6,1% et 5,4% (selon les caisses, il atteint en général entre 5% et 5,5%). Pourquoi n’est-il pas plus bas sur le document de SwissLife? Le salarié n’a que 163 francs d’avoir dans sa part surobligatoire au vu, sans doute, d’un régime de prévoyance peu avantageux.
De son côté, la caisse d’Allianz utilise deux taux distincts: l’un de 6% pour la part obligatoire – donc plus bas que celui de 6,8% inscrit dans la LPP, l’autre de 4,392% pour la part surobligatoire. Le premier taux est abaissé, mais l’autre rehaussé pour aboutir à une rente annuelle totale correspondant aux exigences légales. Une manœuvre qui permet à la caisse de ne pas décourager de nouveaux affiliés potentiels en affichant des taux de conversion trop bas pour le surobligatoire.
Attention, la rente de vieillesse du 2e pilier telle qu’annoncée sur ce certificat constitue toujours un chiffre provisoire, puisqu’elle est étroitement dépendante de l’évolution du salaire, du rendement du capital, ou encore des décisions politiques futures concernant la prévoyance.
5. Prestations en cas de décès
On parle aussi de rente annuelle de survivants. Celle du conjoint s’élève en principe à 60% de la rente de vieillesse ou d’invalidité du défunt (20% pour les enfants). Attention: certaines caisses basent ce calcul sur la part obligatoire, ce qui réduit considérablement les montants perçus. C’est le cas ici pour la caisse d’Allianz, avec une rente annuelle de conjoint de 1715 francs au lieu de 2485 francs.
6. Rente d’invalidité annuelle
Calculée sur l’avoir de vieillesse projeté sans intérêt, elle est versée à l’assuré en cas d’invalidité à 100%. Il existe aussi des rentes pour les enfants, à hauteur de 20% de celle d’invalidité, le plus souvent s’ils sont mineurs ou en formation.
7. Rachat
Il correspond à la somme que l’assuré peut verser à sa caisse de pension pour combler des lacunes de prévoyance. C’est le cas notamment lorsque le précédent salaire ou le taux d’occupation du salarié étaient moins élevés. Attention, pour cela, il faut s'assurer au préalable de l’état de santé de sa caisse.
L’opération est aussi avantageuse sur le plan des impôts, puisque le fisc déduit le montant investi du revenu imposable. En plus, le taux de rémunération de l’avoir est souvent meilleur que le taux d’intérêt pour l’épargne bancaire. Les certificats de prévoyance indiquent la somme maximale de rachat possible et les éventuels rachats déjà effectués.
Gilles D’Andrès