Dans moins de douze ans, il sera difficile d’acheter une voiture à essence neuve en Suisse. L’Union européenne interdira dès le 1er janvier 2035 l’immatriculation des véhicules neufs employant des combustibles fossiles comme l’essence et le diesel, voitures hybrides comprises. Pour ce faire, elle a modifié entre février (Parlement) et mars (Etats-membres) un règlement de 2019 sur les émissions de CO2, en spécifiant que ces émissions seraient «réduites de 100%» (voir encadré). Cela laisse la porte ouverte aux carburants de synthèse, dont le développement est encore peu avancé.
Une telle interdiction ne sera pas étendue à la Suisse. Le Conseil national a rejeté le 15 mars dernier par 106 voix contre 83 une initiative parlementaire visant à « interdire les nouvelles voitures équipées d’un moteur à combustion à partir de 2035 ». Mais la disparition du marché des voitures à essence, diesel et à gaz neuves au niveau continental réduira drastiquement, par la force des choses, l’offre disponible dans notre pays.
Même si les prix des voitures électriques restent encore supérieurs à celles à combustion, les ventes de voitures neuves électriques sont en pleine croissance: de janvier à mai 2023, 17 938 véhicules ont trouvé acquéreur en Suisse, ce qui représente une part de 18,2% des ventes totales de voitures neuves. Seules 52 voitures à gaz et à hydrogène ont trouvé preneur dans le même temps.
L’utilisation d’une voiture électrique est plus économique que les modèles comparables à moteurs thermiques (Mon Argent n°1/2023). Néanmoins, la motorisation électrique pose les défis suivants:
1. Prix d’acquisition
Les prix d’achat des voitures électriques sont plus élevés que ceux des modèles comparables à essence. De plus, les modèles électriques se déprécient moins vite que leurs équivalents à moteur thermique, ce qui incite moins à l’achat d’un véhicule d’occasion (voir le tableau «Les douze modèles électriques les plus vendus en 2023»).
Une VW Golf premier prix catalogue (Golf 1.0 TSI FAP) est affichée à 32 500 fr., la VW ID.3 Pro, modèle comparable, a un premier prix catalogue de 37 800 fr. Soit, pour deux véhicules du même constructeur, une différence de 16,3%. Idem pour la Dacia Spring, l’une des voitures les moins chères. Le modèle Expression (1er prix), puissance maximale 33 kW, affiche un prix catalogue de 19 900 fr. Le modèle similaire de Dacia à essence (Sandero Expression), puissance maximale 67 kW, le double de la précédente, revient à 14 590 fr., 36,4% de moins.
Mais à puissance comparable, les prix s’équilibrent parfois: une VW Golf ayant quasiment la même puissance (190 cv) que la VW ID.3 (204 cv) est affichée 47 000 fr. (Golf 2.0 TSI FAP 4 Motion), soit un surcoût de 24,3% par rapport au modèle électrique.
2. Consommation d’énergie
La taille de la batterie est similaire au réservoir d’essence: plus elle permet d’emmagasiner les kilowatts (kW), plus la voiture dispose d’énergie. La consommation est, elle aussi, similaire au calcul fait pour une voiture à essence: elle se calcule en wattheures par kilomètres, ou plus généralement, en Kilowattheure (kW) par cent kilomètres. Pour convertir le pouvoir énergétique de l’essence en électricité, il convient de diviser le litre d’essence par 9 kilowattheures (kWh).
3. Recharge
Le temps de charge se calcule en divisant la taille de la batterie par la puissance de charge de la borne de chargement, calcul auquel doit s’ajouter une petite part de «perte» d’énergie. Ainsi, une batterie de 50 kWh presque vide a besoin de presque cinq heures pour être rechargée complètement au moyen d’une borne d’une puissance maximale de 11 kWh, le modèle le plus couramment disponible auprès des ménages et des points de recharge publics.
Plusieurs réseaux de bornes de recharge se partagent le marché : Move, EVPass, Plug’N Roll, ChargeMap notamment. Les tarifs et les accès dépendent de formules d’abonnement variant de zéro à 59 fr. par an. Les cartes détaillant l’emplacement des bornes, leurs prestataires et leurs tarifs sont fournies notamment par Lemnet ou encore Swisstopo. (Voir comparatif en page suivante).
4. Coûts de la recharge
Même s’il est moins cher de «faire le plein» avec de l’électricité qu’avec de l’essence ou du diesel, le coût n’est pas négligeable. Fait à la maison, le chargement est facturé au tarif du distributeur du domicile: de 24,22 centimes le kWh à Genève à 33,07 centimes à Neuchâtel. Soit, pour un «plein» de 50 kW: 12,11 fr. à Genève, 12,67 fr. à Fribourg, 13,62 fr. à Delémont, 15,04 fr. à Sion, 15,94 fr. à Bienne, 15,97 fr. à Lausanne et 16,53 fr à Neuchâtel, pour prendre les tarifs les plus couramment utilisés (H4).
Le tarif à la borne publique peut être bien plus élevé. L’abonnement EVpass, qui exploite le réseau le plus étendu, facture 1,50 fr. de taxe de base et 65 centimes le kilowattheure pour une recharge à une de ses bornes d’une capacité de moins de 22 kWh pour les non-détenteurs d’un abonnement, ce qui revient le prix du «plein» de 50 kW à 34 fr. Le tarif monte à 89 centimes le kWh pour un «superchargeur» (plus de 80kW), élevant le prix du «plein» à 44,50 fr. Chez Swisscharge, autre réseau important, les tarifs peuvent varier d’une borne à l’autre. Celle de l’Hôtel de la paix au centre de Lausanne, est l’une des plus chères: elle facture le kWh 86 centimes, de quoi facturer le «plein» de 50 kW 43 fr.
Néanmoins, certaines bornes permettent une recharge gratuite, notamment dans les centres commerciaux. Leurs puissances sont toutefois généralement inférieures à 11 kWh, ce qui rallonge considérablement le temps de recharge ou permet de recharger dans la batterie… juste de quoi rentrer à la maison avec ses courses.
5. Pose d’une borne de recharge
Le coût d’une borne dépend bien évidemment de la puissance de celle-ci et du nombre de connexions possibles, à quoi s’ajoutent les frais d’installation. Ces derniers dépendent de la nature des travaux nécessaires: présence, ou non, d’un câble électrique existant, remplacement de celui-ci par un câble à courant fort, changement éventuel du tableau électrique de la maison. La nouvelle installation doit encore faire l’objet d’un contrôle de conformité OIBT, dont les tarifs sont conseillés mais pas obligatoires (Mon Argent n°1/2023).
Les bornes les plus courantes ont une capacité de recharge maximale de 11 kW. Les prix des appareils les moins coûteux avoisinent 500 fr. Certains vendeurs offrent un forfait couvrant l’achat et l’installation entre 2600 fr. et 3100 fr. (voir le tableau «Prix des bornes de recharge»). Demandez plusieurs devis, le prix pouvant varier en fonction de l’installation et de la configuration des lieux.
Des subventions peuvent être offertes par le canton ou la commune de domicile. Vaud est le plus généreux, contribuant à 50% des coûts jusqu’à concurrence de 2000 fr. Certaines communes et services industriels soutiennent à hauteur de sommes comprises entre 250 fr. (Delémont) et 500 fr. (Morges).
6. Taxes
Les subventions à l’achat d’une voiture électrique ont disparu. Elles ont été remplacées par des systèmes d’imposition plus favorables. Le Valais constitue l’exception romande: les subventions à l’achat se sont terminées en septembre 2022 et n’ont pas encore été remplacées.
A la place, des rabais sur les taxes de circulation (impôts sur les plaques) ont été mis en place dans tous les cantons sauf le Valais. Le plus généreux est Genève, qui exonère la taxe les trois premières années et réduit l’impôt de 50% pour les années suivantes (voir le tableau «Subventions, avantages fiscaux et programmes d’aides»).
Les voitures électriques ne paient pas d’impôt sur les huiles minérales et ne contribuent donc pas au financement des routes. Le Conseil fédéral a annoncé en juin 2022 sa volonté de les soumettre à une taxe kilométrique dont les modalités doivent encore être déterminées, et promet de publier ses propositions avant la fin de cette année.
7. Assurances
Les assurances sont généralement aussi moins coûteuses pour les voitures électriques que leurs équivalents à essence. L’indication de «rabais écologiques» sur certaines propositions ne veut toutefois pas dire que les offres soient particulièrement avantageuses. Mon Argent a publié un comparatif de différentes offres (Mon Argent n°6, 2022).
Une comparaison entre la Volkswagen ID.3 Pro (électrique) et la Golf 2.0 TSI permet de se faire une idée des différences entre deux modèles comparables et à couverture comparable (RC et casco complètes, franchise collision de 1000 fr., protection du bonus). La première a 204 cv et pèse 1500 kilos. La seconde, 190 cv et pèse 1535 kilos. Les quatre offres les plus favorables pour la voiture électrique s’échelonnent entre 504 fr. et 676 fr. par an. Pour la voiture à essence, elles s’échelonnent de 699 fr. à 792 fr. Les primes à payer pour une voiture électrique sont par conséquent 20% environ moins élevées que celles d’un véhicule à essence comparable.
► Lisez notre guide Premiers pas dans l’électromobilité et ses conseils pour choisir, financer et utiliser un véhicule électrique.
Réduction de 100% des émissions
Voici le texte adopté par le Conseil européen en juin 2022, par le Parlement européen en février 2023 et lors du vote final de la Conférence des ambassadeurs de l’UE du 28 mars dernier:
«À partir du 1er janvier 2035, les objectifs suivants à l’échelle du parc de l’Union sont applicables: a) pour les émissions moyennes du parc de voitures particulières neuves, un objectif à l’échelle du parc de l’Union égal à une réduction de 100% de l’objectif de 2021 (…)». L’objectif de 2021 était le suivant: un plafond d’émissions moyennes de 95 grammes de CO2 par kilomètre.
La charge bidirectionnelle, un luxe
Stocker dans la batterie de la voiture l’énergie produite par une installation solaire? La solution, dite vehicle-to-home (V2H) est mise en avant depuis quelques mois comme une alternative à la pose de batteries coûteuses pour améliorer l’autonomie énergétique d’une maison.
Pour le moment, l’offre est très limitée et coûteuse. Deux systèmes de prises sont proposés: le plus ancien est le CHAdeMO (pour «charge de move», abréviation du japonais «o CHA deMO ikaga desuka», qui fait référence au fait qu’une charge ne prend pas plus de temps que celui de prendre un thé), lequel a été développé par des constructeurs japonais. Ce système est qualifié d’«obsolète» par Luca Maillard, expert à l’Association Transport et environnement (ATE). Le plus récent est la prise CCS (combined charging system), développé par des constructeurs européens et américains.
Deux modèles de voiture permettent le V2H à l’aide d’une prise CHAdeMO: la Nissan Leaf (prix catalogue: 31 990 fr.) et la Nissan e-NV-200-Evalia, un utilitaire à 46 713 fr.. Un modèle le permet avec une prise CCCS: la Honda e, au prix de 43 600 fr. Les Volkswagen de la gamme ID sont techniquement équipées mais ont besoin d’une mise à jour logicielle pour permettre la charge bidirectionnelle.
Les bornes de recharge bidirectionnelles proposées sur le marché suisse sont très chères. Le modèle de Sun2Wheel est proposé à 13 295 fr.