Une voiture et une moto. Telle est l’envie d’achat de ce «manager en services de passagers» de 45 ans. Marié, deux enfants, jouissant d’un revenu net de 8197 francs par mois, il présente une bonne solvabilité, qui lui permettrait d’emprunter facilement la somme nécessaire auprès d’une banque. Mais c’est vers une plate-forme de financement participatif qu’il s’est tourné.
Sous l’étiquette «Projet 69908», il demande qu’on lui prête 23 000 francs via la plate-forme Lend.ch. Il promet un remboursement par tranches mensuelles de 543,90 francs et un taux d’intérêt de 3,92% à quiconque acceptera de lui avancer la somme. Une banque spécialisée dans le petit crédit comme Cembra ou Bank-Now aurait exigé des intérêts bien plus élevés, entre 6 et 9%.
Plates-formes intermédiaires
La relative modicité des coûts facturés aux demandeurs de crédit est la principale raison qui explique le succès des plates-formes de financement participatif. Celles-ci voient les volumes de leurs prêts progresser fortement: +35% rien qu’en 2021, à 607 millions de francs, selon le «Crowdfunding Monitor 2022» de l’Institut des services financiers (IFZ) à Zoug, rattachée à la Haute école supérieure de Lucerne (HSLU).
A la différence des banques, les plates-formes de financement participatif n’avancent pas leurs propres fonds mais uniquement ceux des investisseurs individuels. L’IFZ dénombrait pas moins de 37 plates-formes dans toute la Suisse dans son dernier rapport paru en avril, en progression de 9 unités par rapport à 2021.
Leurs méthodes de travail sont hautement automatisées: les plates-formes sont actives exclusivement sur internet. Elles n’accordent pas que des prêts à la consommation, mais aussi des hypothèques, voire des crédits à des entreprises.
Elles se financent non pas, comme le font les banques, sur la différence d’intérêt entre les dépôts et les prêts, mais par la perception de commissions. Ce fonctionnement leur permet d’abaisser leurs risques et leurs coûts. C’est ce qui leur permet d’avancer des fonds à des conditions généralement plus avantageuses que les banques.
Indispensable diversification
Les preneurs de crédits ne sont pas seuls à bénéficier de ce système. Les prêteurs aussi. Les intérêts offerts par les emprunteurs sont généralement plus élevés que les rendements d’autres placements à revenu fixe comme les obligations de caisse. Cela est permis grâce au fait que les risques sont maîtrisés: 90% des prêteurs gagnent de l’argent sur leurs prêts, selon les statistiques des cinq plus grandes plates-formes actives en Suisse.
Néanmoins, les prêteurs ne doivent pas oublier une règle fondamentale: répartir les risques en faisant des avances auprès de nombreux emprunteurs et ne pas se concentrer sur quelques-uns, voire un seul. La plate-forme Swisspeers, spécialisée dans les crédits aux entreprises, conseille d’attribuer des prêts à au moins 30 emprunteurs différents, l’idéal étant d’en compter plus de 100. La plate-forme Lend suggère pour sa part qu’«avec plus de 20 débiteurs différents, il est difficile de perdre de l’argent». Ces mêmes plates-formes estiment le taux de défauts de paiements entre 0,8 et 3% par an. Ce bas niveau de perte est dû aussi au travail de filtrage des plates-formes en amont: celles-ci refusent entre 70% et 90% des dossiers, les débiteurs potentiels présentant une solvabilité insuffisante.
Ce besoin de diversification des risques implique de la part des prêteurs qu’ils avancent des sommes conséquentes. Ce n’est pas en investissant quelques centaines de francs seulement que leurs objectifs de rendement seront atteints. Car le prêteur ne doit jamais perdre de vue une autre réalité du monde des crédits: il peut arriver qu’un débiteur défaille et que le montant du prêt qui lui a été accordé soit irrémédiablement perdu.
Christian Bütikofer / yg