Immobilier

Payer son électricité moins cher quand on habite un immeuble

ÉNERGIE Les regroupements de consommateurs, qu’ils soient propriétaires ou locataires, permettent d’abaisser les montants des factures de courant. Mais attention aux détails.

COLLECTIF Les deux, bientôt trois, formes de consommation collective mutualisent les coûts de production et réduisent les factures de courant électrique.

Sommaire

Modèles encore peu utilisés en Suisse romande
Site internet utile
Deux modèles de production et de consommation mutuelle d’électricité

Mon Argent 06-2024

11.12.2024

Yves Genier

Les tarifs de l’électricité applicables aux ménages vont baisser de 10% en moyenne en 2025 par rapport à cette année, a calculé la Commission fédérale pour l’électricité (Elcom). Le tarif moyen se montera à 29 centimes le kilowattheure. Mais depuis 2020, celui-ci a augmenté, toujours en moyenne, de 40% environ. On payait alors le courant 20,7 centimes le kilowattheure.

Il existe...

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Il existe pourtant des moyens de baisser davantage la facture. Le plus simple, si l’on ne peut pas placer des panneaux solaires sur son toit ni remplacer les appareils excessivement consommateurs par de plus économes, c’est de se regrouper entre consommateurs. Le potentiel d’économies peut atteindre 20%, ramenant le prix du courant, dans le meilleur des cas, de 29 centimes à 23,2 centimes le kilowattheure en moyenne.

Autonomie

Plusieurs possibilités de regroupement sont prévues par la loi depuis 2018, une supplémentaire le sera dès 2026. Elles concernent à la fois les locataires que les propriétaires. Elles s’appuient toutes sur la capacité du groupe à consommer de l’électricité qu’il a produite lui-même.
Elles permettent aussi, dans certains cas, aux membres du groupement de former une collectivité d’achat suffisamment importante pour pouvoir s’affranchir des tarifs régulés et d’acheter son courant sur le marché de gros, dont les prix sont généralement moindres. Attention toutefois: seule la capacité de négociation du groupement permet de fixer les tarifs, et ceux-ci peuvent monter comme ils peuvent baisser.

Exemples

Un immeuble avec plusieurs appartements en PPE est équipé de panneaux solaires sur le toit. Les habitants consomment ensemble le courant produit et réinjectent ensemble la production excédentaire dans le réseau public. C’est l’administration de la PPE qui gère les tarifs et envoie les factures.
Un immeuble aux appartements loués équipé de panneaux photovoltaïques: le propriétaire distribue à ses locataires le courant produit par des panneaux solaires sur son toit et qu’il n’a pas réinjecté dans le réseau public. C’est lui, ou plus généralement sa régie, qui gère les tarifs et établit les factures.
Les propriétaires de maisons individuelles aux parcelles contiguës ou proches (par exemple des maisons jumelées ou réunies dans un quartier) mutualisent leur production de courant pour leur consommation propre et la réinjection de la production excédentaire. Elles doivent se situer dans la même commune. Un administrateur gère l’installation et établit les factures.

Ces regroupements se caractérisent comme suit:

Regroupement dans le cadre de la consommation propre (RCP). C’est le RCP qui achète le courant à la compagnie d’électricité – et revend le surplus de sa propre production, qui doit représenter au moins 10% de la puissance de raccordement – et non pas chaque ménage pris séparément. Il possède l’installation de redistribution du courant entre les membres du RCP. Il ne faut donc qu’un seul compteur électrique homologué pour tout le RCP au lieu d’en avoir un pour chaque ménage. Les décomptes sont soumis à des règles strictes (voir ci-dessous).

Les membres, propriétaire et locataires, doivent être raccordés entre eux sans passer par le réseau public, et n’ont donc pas besoin de compteurs intelligents («smart meters») entre eux. Mais leurs câbles peuvent franchir une parcelle privée ou le domaine public si le propriétaire concerné est d’accord. Si la consommation annuelle totale du RCP dépasse 100 000 kilowattheures, il peut conclure un contrat d’approvisionnement sur le marché libre. Le modèle doit néanmoins être extrêmement rare: la puissance moyenne d’un RCP est de 33 kilowatts, selon l’Office fédéral de l’énergie.
Communauté d’autoconsommateurs (CA). Au contraire du RCP, les membres de la communauté conservent leurs compteurs individuels car ils continuent d’être approvisionnés par la compagnie d’électricité. Toutefois, ils se connectent à la source d’énergie (panneaux photovoltaïques en général) de la communauté, qui peut aussi appartenir à l’un de ses membres, par les câbles de la compagnie d’électricité.

L’établissement des décomptes nécessite la pose de compteurs intelligents par la compagnie d’électricité. Si la communauté consomme plus de 100 000 kilowattheures par an, elle peut conclure un contrat d’approvisionnement sur le marché libre.
Communauté électrique locale (CEL). Elle ne sera possible que dès 2026 à l’entrée en vigueur de la réforme de la Loi sur l’énergie approuvée par le peuple en juin dernier. Ses contours précis ne sont pas encore connus. Ils le seront lorsque le Conseil fédéral publiera l’ordonnance d’application de la loi.

La CEL combine les deux modèles précédents: elle rassemble les producteurs d’énergie renouvelable (photovoltaïque, biomasse, éolien principalement) et leur permet de mutualiser leur production et leur consommation. Elle leur permet de stocker leur énergie (batteries). Mais chaque membre garde son compteur individuel avec la compagnie d’électricité.

Quels avantages concrets pour le consommateur?

Une baisse du coût du courant. Le courant électrique produit au sein du RCP ne peut pas être facturé, si un forfait est appliqué, plus de 80% du prix du courant électrique acheté auprès de la compagnie d’électricité, en incluant les coûts de distributions et les taxes. Ainsi, si le tarif de la compagnie est de 29 centimes le kilowattheure en incluant tous les frais, le RCP ne peut pas facturer son électricité plus de 23,2 centimes. Mais si le consommateur n’achète que 20% de son courant à la RCP et le solde à la compagnie d’électricité, sa facture finale ne sera abaissée que de 4% car le rabais de 20% du RCP ne concernera que 20% de la consommation totale de courant.

En cas de revente de l’électricité produite par le RCP aux locataires, le propriétaire peut facturer davantage que les coûts de production effectifs. S’il réalise une économie par rapport au courant vendu par la compagnie d’électricité, il doit en laisser au moins la moitié à ses locataires. Ainsi, si le prix effectif est de 20 centimes le kilowattheure alors que le tarif du réseau est de 30 centimes, la moitié des 10 centimes par kilowattheure d’économie réalisée, donc au moins 5 centimes, doivent être laissés aux locataires.

Les tarifs peuvent n’inclure que les frais effectifs (amortissement, exploitation, entretien, compteurs), et être donc plus bas. Les décomptes peuvent se faire soit à la consommation effective soit selon la taille des logements ou les quotes-parts. Ils doivent toujours être très détaillés.
La maîtrise de la production d’énergie quand on est propriétaire d’un logement intégré dans un RCP. Cela n’est en revanche pas le cas lorsque l’on est locataire et que le bail prévoit l’intégration au RCP.
La liberté d’intégrer ou non le groupement ou la communauté, jusqu’à une certaine limite (voir ci-dessous). Cette liberté inclut celle de la fixation du tarif de courant électrique entre les copropriétaires.

Quels inconvénients?

Pour les propriétaires: de gros investissements à consentir pour la mise en place des installations de génération d’énergie renouvelable. Compter, par exemple, 40 000 à 50 000 fr. pour couvrir un toit de 100 mètres carrés de panneaux photovoltaïques pour une installation d’une puissance de 15 à 20 kilowattheures. Compter davantage pour la mise en place d’un réseau de distribution d’électricité privé.

Si plusieurs propriétaires sont concernés, ils doivent conclure une convention, constituer des servitudes et adopter un règlement commun. Un propriétaire n’est cependant pas forcé d’intégrer un RCP avec ses voisins. Les compagnies d’électricité affirment qu’il est «extrêmement rare» qu’un ménage quitte un RCP vu que les coûts de consommation électrique sont inférieurs à ceux des tarifs ordinaires.
Pour les locataires: Si le bail inclut la fourniture d’électricité via le RCP, il n’est pas possible de sortir du regroupement de consommation propre, à moins de remettre le bail et de quitter l’appartement.

Yves Genier

Modèles encore peu utilisés en Suisse romande

Il existe quelque17 000 RCP dans toute la Suisse, selon l’Office fédéral de l’énergie. En Suisse romande, les chiffres sont nettement plus modestes:

Les Services industriels de Genève (SIG) en comptent 85, ceux de Lausanne (SIL) 147, Romande Energie (grande partie du canton de Vaud), une cinquantaine, Viteos (Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds) 37. Oïken (Valais central) et Groupe E (Fribourg et Neuchâtel sans les villes de ce dernier canton), n’en n’ont pas relevé le nombre.

Les CA sont un peu plus nombreuses: il y en a 161 branchées aux SIG, 165 aux SIL, plus de 800 à Romande Energie. Viteos n’a pas communiqué de chiffre et Oïken refuse de le faire.

Néanmoins, tous ces fournisseurs soulignent la forte croissance des RCP, et plus encore celle des communautés d’autoconsommateurs.

Ce que doit indiquer la facture de courant

Les décomptes d’un RCP peuvent être facturés au forfait ou selon les coûts effectifs. Ils doivent être décomptés en prix par kilowattheures.
Lorsque le forfait est appliqué à des locataires, le prix de l’énergie doit être décompté en kilowattheures (en centimes par kWh). Le coût total de l’énergie produite par le RCP ne doit pas dépasser 80% du prix de l’énergie achetée à la compagnie d’électricité, y compris les frais, les taxes et la TVA. Si des tarifs différenciés en fonction de l’heure de consommation (tarifs nuit/jour, p. ex.), une moyenne doit être appliquée.
Lorsque les coûts effectifs sont facturés à des locataires, le propriétaire peut inclure dans son décompte les coûts de production, les coûts administratifs pour l’établissement des factures en fonction des usages admis par le droit du bail ainsi que les amortissements. Il doit déduire de ses coûts les gains tirés de la revente de l’électricité qui n’est pas consommée dans le RCP.

Site internet utile

Le RCP expliqué en détail: suisseenergie.ch/batiment/consommation-propre/

Des explications sur les CA sont disponibles sur les sites des compagnies d’électricité.