Quoi de plus attirant qu’un lingot d’or? La hausse du prix du métal jaune depuis mars 2024 – passant de 1800 francs l’once à plus de 2300 francs – a ravivé l’intérêt pour ce type de placement.
Mais l’extraction provoque souvent des dégâts sociaux et environnementaux qu’il n’est plus possible d’ignorer: conditions de travail déplorables, fréquente utilisation de mercure ou de cyanure dans le procédé d’extraction, etc. Extrait dans ces conditions, l’or n’est pas propre.
Mines certifiées
L’or propre existe toutefois. Il porte notamment le label Fairtrade (commerce équitable) de la fondation Max Havelaar, qui le fait venir de petites exploitations minières au Pérou. Il se présente sous la forme de petits lingots de 20 grammes au maximum. Un code permet de d’identifier la mine de provenance. Ces lingots sont disponibles auprès de plusieurs banques cantonales, dont la Banque cantonale vaudoise et celles de
Fribourg et du Jura.
La Fondation Max Havelaar s’engage notamment pour l’amélioration des conditions de travail et de vie des mineurs, pour l’accès au marché des produits Fairtrade et pour la protection de l’environnement.
Elle fait accréditer les mines par Flocert, un organisme de certification indépendant basé à Bonn, en Allemagne, et les contrôle régulièrement. Ces mesures doivent garantir le respect des normes du commerce équitable. Ces contrôles incluent des visites sur place sans préavis, explique la porte-parole de Fairtrade Max Havelaar en Suisse.
Les critères de certification sont nombreux. Les mines doivent offrir des salaires équitables, des vêtements de protection, des formations en matière de santé et de sécurité et une gestion responsable de l’environnement. Autre critère important: «la diminution et l’utilisation contrôlée du mercure et du cyanure», explique la porte-parole.
Les mines certifiées qui remplissent tous les critères reçoivent, en plus du prix du marché, une prime de 2000 dollars américains par kilo d’or. Soit une prime de 2,6% environ par rapport au prix actuel du marché (environ 75 000 dollars par kilo). Ces primes sont payées par les acquéreurs des lingots d’or: ces derniers sont vendus avec un supplément de 2 à 3 francs par gramme.
Traçabilité
Les mines certifiées par Max Havelaar ont extrait cinq tonnes d’or ces dix dernières années. Elles ont pu encaisser ainsi plus de 10 millions de dollars de primes. Max Havelaar affirme que leurs exploitants décident démocratiquement de l’utilisation de ces recettes supplémentaires, en particulier pour l’érection d’écoles, de centres de santé, des améliorations de l’approvisionnement en eau et de sécurité au travail.
Chaque lingot est doté d’un code d’identification permettant de retracer l’origine du métal jusqu’à la mine. La traçabilité est assurée, selon la Banque cantonale de Zurich (ZKB), qui assure deux tiers de l’écoulement du stock produit par les mines partenaires de Max Havelaar.
La ZKB vend aussi de l’«or traçable» produit par des mines industrielles en Amérique du Nord et du Sud ainsi qu’en Finlande. Elle assure qu’elle n’achète que de l’or provenant de mines qui s’engagent fortement pour une extraction responsable. Malgré cela, le supplément de prix pour les acheteurs – le plus souvent des investisseurs institutionnels – est inférieur à celui de l’or extrait normalement. La banque explique que l’or traçable n’est pas soumis à des frais de licence, contrairement à l’or issu du commerce équitable.
La banque Raiffeisen vend elle aussi ses propres lingots d’or extrait, selon elle, «de manière responsable et […] traçable».
La «traçabilité» de l’or est assurée par l’aspersion de marqueurs ADN dans les mines, qui permettent à la raffinerie suisse de déterminer son origine par un test PCR. Sa transformation en lingots est assurée dans une chaîne de production séparée, afin d’éviter les mélanges avec d’autres métaux précieux. Les lingots reçoivent ensuite un numéro de série qui indique aux acheteurs d’où vient l’or.
Premier pas
En plus de Fairtrade, un autre label affirme la durabilité de l’or: Fairmined. Peut-on s’y fier? Responsable des questions relatives aux matières premières chez Swissaid, Marc Ummel l’affirme: «On peut acheter de l’or Fairtrade et Fairmined en toute bonne conscience, car le standard repose sur des exigences claires et comprend des contrôles sur les sites de production.»
Olivia Lipsky est spécialiste de la durabilité des entreprises au WWF. Selon elle, la transparence et la traçabilité sont les premiers pas vers le développement d’une chaîne de valeur de l’or plus écologique et plus équitable. Les labels Fairtrade et Fairmined offrent une première orientation aux acquéreurs. Néanmoins, ajoute-t-elle, ce n’est qu’une solution de niche: il faut, ajoute-t-elle, que l’ensemble du secteur s’engage à plus de responsabilité dans la production d’or.
Patricia Faller / yg
Un fonds en or équitable
Il est possible d’investir dans de l’or équitable sans détenir des lingots physiques. La clé réside dans un fonds de la Banque cantonale de Bâle (BKB), le BKB Physical Gold Fairtrade Max Havelaar (n° ISIN: CH1185050486).
Lancé en 2022, il est investi à 80% au moins en or certifié Fairtrade. Ses actifs sont «des lingots d’or physiques qui sont conservés en toute sécurité dans la chambre forte de la Basler Kantonalbank», selon la feuille d’information du fonds. Sa fortune est d’environ 150 millions de francs.
La valeur du fonds dépend de celle du métal jaune. Etant donné la forte hausse de la valeur de ce dernier depuis mars 2024, celle du fonds a bondi de 30,7% en 2024. Cela ne veut pas dire que cette performance se répétera, surtout si le prix de l’or repart à la baisse.
Le niveau des frais (TER) est de 0,62% de l’avoir de l’investisseur. Ce niveau est clairement plus élevé que celui des ETF avec de l’or normal. Ces frais supplémentaires financent les activités en Suisse de la Fondation Max Havelaar. yg