Rente ou capital? Telle est la question posée à toute personne sur le point de partir à la retraite. Le choix réside en trois formules: soit retirer l’entier de son avoir et le gérer soi-même, soit le laisser en totalité à la caisse de pension, ce qui élève la rente versée à vie à la retraite, soit retirer une partie et conserver l’autre pour bénéficier d’une rente, certes réduite.
Une enquête réalisée par Publica, la caisse de pension des employés de la Confédération, sur les choix opérés par 13 000 personnes parties à la retraite en dix ans montre que les retraits en capital à la retraite sont toujours plus nombreux. Elle esquisse aussi les raisons d’un tel engouement.
En 2013, un actif sur vingt seulement retirait tout ou partie de son capital, alors que deux tiers d’entre eux choisissaient la rente. Ils n’étaient que 28% à opter pour une solution combinée.
En 2022, la répartition était sensiblement différente: plus d’un actif sur cinq (21%) retirait l’entier de son avoir; un peu moins de la moitié (48%) choisissait la rente tandis que les 31% restants optaient pour une combinaison.
Ce constat rejoint celui dressé par les statistiques de l’Office fédéral des assurances sociales pour l’entier des affiliés à la prévoyance professionnelle. En 2022, 54 273 personnes ont retiré leur capital, pour un montant total de 13 milliards de francs. Dix ans plus tôt, ils n’étaient que 34 840. Le capital moyen retiré il y a deux ans se montait à 240 000 francs, en hausse de 43% par rapport au montant moyen retiré en 2013.
Conversion en baisse
Chez les affiliés de Publica, l’explication principale de la hausse du nombre de retraits par rapport à la rente tient dans la diminution du taux de conversion. Ce dernier, qui détermine le niveau de la rente annuelle sur la base du capital de vieillesse à l’âge du départ à la retraite, a été abaissé à deux reprises. La première fois, en 2015, à 5,65% au lieu de 6,15% auparavant. La seconde, en 2019, où il a chuté à 5,09%.
Concrètement, un avoir de 100 000 francs permettait à l’affilié de toucher une rente annuelle de 6150 francs avant 2015. Cette rente n’est plus que de 5090 francs depuis 2019, soit une baisse de 17,2%. En revanche, les affiliés qui retirent leur capital ne sont pas concernés par la baisse du taux de conversion.
L’analyse de Publica montre également que les assurés disposant d’un avoir de vieillesse relativement faible, jusqu’à 250 000 francs, ont souvent choisi le versement intégral de leur avoir.
Sécurité ou indépendance
Les chercheurs ont demandé aux retraités les raisons de leurs choix pour la rente ou le retrait. Les raisons le plus souvent avancées par les bénéficiaires de rentes étaient la sécurité, un revenu régulier et l’absence d’intérêt pour les placements financiers.
En revanche, ceux qui avaient opté pour le retrait en capital justifiaient leur choix par l’envie de mettre en œuvre leur propre stratégie de placement, ainsi que le risque d’un décès prématuré et de la baisse du taux de conversion.
Pour les deux variantes, les personnes interrogées ont en outre cité leurs proches ou leurs survivants comme motivation: pour la rente, par une protection via des prestations de survivants; et pour le capital, par le fait de léguer l’avoir de vieillesse non employé au partenaire et aux enfants.
L’enquête de Publica a aussi cherché à en savoir plus sur les motivations en faveur du retrait du capital. Les réponses – plusieurs étaient possibles – ont été les suivantes: L’avantage fiscal lié au retrait du capital arrive en tête (56%), suivi par la possibilité de gérer son argent soi-même (32%). Puis viennent les besoins financiers après la retraite, comme l’amortissement d’une hypothèque (30%) et, en dernier, le faible taux de conversion (29%).
L’avantage fiscal en cas de retrait doit être toutefois relativisé. L’impôt est certes bas. Mais l’avoir retiré est ensuite imposé sur la fortune, et les revenus qu’il génère imposés comme tels. Dans de nombreuses situations, les personnes qui ont retiré leur avoir paient en fin de compte plus d’impôts, sur la durée de leur vie, que si elles avaient choisi la rente.
Capital élevé
L’auteur principal de l’étude Publica, Fabio Haufler, estime que les raisons avancées par les affiliés de Publica pour justifier le retrait sont valables pour d’autres caisses de pension.
Néanmoins, il s’étonne que le bas niveau du taux de conversion ne soit pas davantage invoqué pour justifier un retrait du capital. Les raisons doivent être recherchées dans le fait que les salaires des affiliés de la caisse, les employés de la Confédération, sont en moyenne bien plus élevés que ceux des salariés du secteur privé. Par conséquent, la caisse Publica compte relativement peu d’assurés à bas salaire.
De plus, les avoirs de vieillesse des employés de la Confédération au moment de la retraite sont généralement plus élevés que ceux de la moyenne, selon les statistiques des caisses de pension. En 2022, l’avoir de vieillesse des assurés de Publica au départ à la retraite s’élevait en moyenne à 881 238 francs.
Selon l’enquête de Publica, 94% des retraités prendraient aujourd’hui la même décision concernant leur choix entre la rente, le capital et une combinaison des deux que celle qu’ils avaient prise lors de la fin de leur vie active. La plupart des personnes interrogées ont indiqué qu’elles avaient pu conserver leur niveau de vie habituel à la retraite. Elles sont même 88% parmi les retraités ayant pris leur capital, contre 70% pour ceux qui ont choisi la rente, et 83% pour les adeptes de la formule combinée.
Thomas Lattmann / Yves Genier
Rente ou capital, comment choisir
Si l’on privilégie la rente
Avantages
- Prestations régulières jusqu’à la fin de la vie.
- La rente nominale est garantie.
- Rentes de survivants.
- Aucune connaissance financière nécessaire.
Inconvénients
- La rente est imposée comme un revenu.
- En cas de décès, le capital vieillesse disponible non employé pour les rentes de survivants est restitué à la caisse de pension.
- Il n’existe aucun droit à l’adaptation au renchérissement.
- En termes réels, la rente diminue donc continuellement.
Si l’on privilégie le retrait du capital
Avantages
- Possibilité de placer soi-même l’avoir accumulé avec les années, et donc de créer la possibilité de dégager un rendement supérieur au renchérissement.
- Le capital vieillesse non utilisé jusqu’au décès peut être transmis par héritage.
- Le capital est toujours disponible, par exemple pour amortir une hypothèque ou entreprendre des voyages.
- L’impôt sur le retrait du capital et l’impôt sur la fortune peuvent être inférieurs à l’impôt sur le revenu frappant la rente.
Inconvénients
- Il faut gérer son argent soi-même, car déléguer ce travail à une banque génère des frais.
- Les rendements des placements financiers peuvent fluctuer.
- Le capital doit suffire jusqu’à la fin de la vie.
- Le capital est imposé chaque année en tant que fortune.