Placements

Les obligations sont bien moins sûres qu’un compte d’épargne

DÉFAILLANCE La Finma protège nettement moins les acquéreurs de titres de dette non cotés en bourse qu’elle ne le fait pour les avoirs en banque. La loi est ainsi faite.

Sommaire

extraits de prospectus et de comptes publiés par PrimeEnergy Cleantech

Mon Argent 06-2024

11.12.2024

Yves Genier

Posséder une obligation, qui est une reconnaissance de dette, protège moins bien l’épargnant qu’un compte auprès d’une banque. Pour l’épargnant ordinaire, mieux vaut donc opter pour un compte plutôt que d’acheter des titres de dette émis par des entreprises.

Les détenteurs d’obligations émises par PrimeEnergy Cleantech en savent quelque chose. Mi-novembre, la société a &ea...

Article payant

Pour lire cet article, connectez-vous ou choisissez l'un de nos abonnements.

Abonnements dès 8 Francs

Mot de passe oublié?

Les détenteurs d’obligations émises par PrimeEnergy Cleantech en savent quelque chose. Mi-novembre, la société a été mise en faillite par ses dirigeants après que ces derniers aient informé à la mi-octobre leurs actionnaire et créanciers de leur intention d’entamer cette démarche. Cela signifie que les créanciers obligataires devront attendre la fin de la procédure pour récupérer une partie, pas la totalité, de leur argent.

Le compte en banque est protégé par la garantie de dépôts, qui assure à l’épargnant le remboursement de son avoir jusqu’à 100 000 fr. par client et par compte (les comptes joints, communs, etc., comptent comme un client à part) par Esisuisse, l’organisme chargé de mettre en œuvre la garantie des dépôts.

Cela vaut aussi bien pour les comptes d’épargne, les comptes de placement, les comptes à terme ou encore les obligations de caisse au porteur déposées auprès de la banque émettrice.

Pas de garantie pour les obligations. Les obligations, en revanche, ne sont pas couvertes par la garantie des dépôts (à l’exception des obligations de caisse). Une obligation est un titre de créance. L’acheteur de l’obligation prête la somme inscrite sur le document pendant un certain temps (d’un à dix ans en général) à l’entité qui émet l’obligation.

En contrepartie, l’emprunteur paye un intérêt. Pour intéresser les investisseurs, le taux d’intérêt doit être plus élevé que celui des comptes d’épargne. Il est aussi plus élevé pour les emprunts de longue durée que pour ceux ne portant que sur peu d’années.

Mais les entreprises de grande taille et reconnues pour leur stabilité depuis longtemps (comme Nestlé, Roche ou ABB) payent des intérêts nettement moins élevés que les entités peu connues, peu reconnues ou qui ont eu des problèmes financiers dans le passé. Ces dernières payent davantage pour intéresser, voire tenter de rassurer les investisseurs. Le principe est toujours le même: plus le taux d’intérêt est élevé, plus l’obligation est risquée.

Une obligation est beaucoup moins surveillée qu’un compte en banque. Lorsqu’une entreprise veut émettre des obligations à destination du grand public, son unique contrainte est de publier un prospectus. Ce document est néanmoins épais de plusieurs dizaines de pages. (Exemple: extraits de prospectus et de comptes publiés par PrimeEnergy Cleantech, en illustration.)
Tout est dans le prospectus. Il contient obligatoirement des informations sur les buts de l’entreprise, son activité, ses projets, ses risques, ses litiges et son organisation. Il donne les comptes semestriels ou annuels ainsi que les engagements. Concrètement, ce qui est généralement publié est un état des profits et pertes pour les deux derniers exercices et un bilan, audités par une fiduciaire.

Mais la Loi sur les services financiers (LSFin), qui détaille ces exigences dans son article 40, prescrit aussi, à défaut de comptes (par exemple pour les start-ups), «des indications sur les valeurs patrimoniales» de l’entreprise.

Le prospectus doit obligatoirement être contrôlé par un «organe de contrôle approuvé par la Finma», poursuit la loi. Deux organes ont obtenu son agrément: SIX Exchange Regulation SA, qui dépend de la Bourse suisse, et BX Swiss SA, qui gère celle de Berne.

L’organe de contrôle dispose de 20 jours ouvrables pour faire cette vérification dès que le projet de prospectus lui est remis. Mais le contrôle se limite, ajoute la loi, «se limite au contrôle du respect formel des prescriptions» (art. 59 LSFin). Les contrôleurs ne vont donc pas chercher à s’assurer que l’entreprise dit toute la vérité et rien que la vérité. Si ce n’est pas le cas, l’entreprise peut être poursuivie pour faux dans les titres, une qualification pénale, si sa véritable situation financière est mise au jour.
Responsabilité individuelle. La Finma ne contrôle donc pas directement l’émetteur des obligations, au contraire des banques, qu’elle surveille en principe de très près. Les contrôles sont délégués à des tiers, respectivement aux fiduciaires pour la partie comptable, et à l’organe de contrôle pour la conformité formelle du prospectus.

Il revient par conséquent à l’acheteur d’obligations de s’assurer lui-même que la société est assez sûre pour qu’il lui confie une partie de ses économies. Cela présuppose de lire et d’analyser le prospectus, même si cette tâche semble rébarbative.

Dans le cas de PrimeEnergy Cleantech, les informations sur les emprunts de l’actionnaire principal étaient inscrites noir sur blanc dans les annexes du bilan. Ce dernier affichait des fonds propres curieusement négatifs. Autant de signaux d’alarme qui auraient dû alerter les investisseurs.

Et que se passe-t-il si la situation de l’entreprise émettrice des obligations ne correspond pas aux explications du prospectus? Seule la voie judiciaire est ouverte. La LSFin (art. 69) est claire sur ce point: «Si des indications inexactes, trompeuses ou non conformes aux exigences légales ont été présentées ou diffusées au moyen du prospectus (…), toute personne qui a participé à la présentation ou à la diffusion de ces indications répond envers l’acquéreur d’un instrument financier du dommage ainsi causé.»
Frais d’avocat. En bref: c’est à l’investisseur qu’il revient d’engager un ou des avocats, déposer plainte, prouver ses allégations pour espérer l’emporter devant un tribunal. Cela correspond à des milliers ou des dizaines de milliers de francs à engager, des montants peu raisonnables si l’on n’est qu’un «petit» investisseur.

Rien ne permet, à ce stade, d’affirmer que PrimeEnergy Cleantech tombe sous le coup de cet article. Mais si la loi avait permis au gendarme de la finance ou à ses organes délégataires de contrôler de plus près la santé financière de l’entreprise, il est possible qu’ils aient bloqué les émissions obligataires, évitant par cela que des investisseurs y placent leur épargne. Mais vu que ce n’est pas le cas, il appartient à chacun de lire attentivement – et de comprendre! – toutes les informations transmises par l’émetteur avant d’engager le premier franc.

Yves Genier

Bitte aktivieren Sie Javascript um diese Seite optimal nutzen zu können.