Les dépôts de troisième pilier rapportent souvent moins que le promettent les banques et les assurances. Dans nombre de cas, ils coûtent même plus cher qu’ils ne rapportent.
Aussi, les épargnants qui recourent à ce type de placement pour constituer une réserve financière pour leurs vieux jours ou pour acheter un logement se retrouvent en conclusion avec moins d’argent qu’ils n’ont versé alors qu’ils ont payé une prestation promettant l’exact contraire.
L’offre des banques et des assurances se fonde sur le principe selon lequel les investissements dans des titres rapportent davantage que les habituels comptes de troisième pilier.
Effectivement, les placements dans des actions, des obligations et des fonds bénéficient des plus-values générées par les marchés financiers en moyenne sur plusieurs années, alors que les comptes ordinaires ne sont rémunérés que par le paiement des taux d’intérêt, lesquels avoisinent généralement 1% seulement, soit moins que l’inflation.
Peu de gains
Toute la promotion des produits de placement bancaires et d’assurance est donc basée sur cette promesse de gains boursiers. Ainsi, UBS suggère, sur son site internet, d’investir dans «des fonds de placement Vitainvest durables pour de meilleures opportunités de rendement». La Banque cantonale vaudoise écrit sur le sien que son offre «Portfolio 3» permet de «meilleures opportunités de rendement».
De même, Raiffeisen met en avant le fait de «profiter des opportunités de rendement qu’offrent les marchés financiers» grâce à ses fonds de prévoyance. Swiss Life avance, comme premier argument de vente pour sa gamme «Swiss Life Opportunities Duo» les «opportunités de rendement (…) au moyen de fonds de placement attrayants». Et ainsi de suite auprès de la concurrence.
Ces affirmations sont fondées par les performances de certains fonds d’investissement destinés aux épargnants du 3e pilier. Ainsi, le fonds Raiffeisen Futura - Pension Invest Equity V (ISIN: CH0441199582) a vu sa valeur augmenter de 25,8% ces cinq dernières années. Pour un dépôt de 10 000 fr., cela représente un gain de 2580 fr. Mieux encore: le fonds PF Pension ESG 100 Fund (ISIN: CH0484781684) de Postfinance a progressé de 32,27% en cinq ans. Gain pour un dépôt de 10 000 fr.: 3227 fr. Pendant ce temps, l’inflation n’a été que de 5,07%.
Mais de telles performances sont l’exception plutôt que la règle. Nombre de fonds affichent des performances proches de l’inflation (comme le fonds Fondation de placement Swiss Life LPP-Mix 15, ISIN CH0015649657), qui n’a progressé que de 6,38%, soit 638 fr. pour un placement de 10 000 fr. Nombre d’entre eux ont même fait perdre de l’argent à leurs investisseurs ces cinq dernières années. Ainsi, le fonds BCVs / WKB (CH) flex Pension 65 AP (ISIN: CH1131640471) de la Banque cantonale du Valais a reculé de 7,45% ces cinq dernières années. Pour un placement de 10 000 fr., la perte de valeur atteint 745 fr.
Frais fractionnés
Ce n’est pas parce qu’un fonds a gagné de l’argent qu’il continuera à en gagner ou qu’il en perdra encore parce qu’il en a déjà perdu. En revanche, ce qui est certain, c’est que des frais sont facturés à l’épargnant par la banque, ou la compagnie d’assurance et la société de gestion si elle est séparée, que le fonds ait gagné ou perdu de l’argent.
Ces frais peuvent paraître peu élevés: entre 0,2% et 2% de l’investissement. Ils sont prélevés sur les dividendes et les autres revenus encaissés par le fonds au profit de l’épargnant et reversés à la banque ou à la compagnie d’assurance. Si les revenus du fonds ne suffisent pas à les couvrir, ils sont retirés de l’avoir du client. Ainsi, un placement qui perd de sa valeur pendant plusieurs années voit la baisse accélérée du fait du prélèvement des frais.
De quoi ces frais sont-ils faits? La composante la plus importante est les frais de gestion. Ils peuvent être forfaitaires, c’est-à-dire fixes, quels que soient l’activité et les résultats du fonds. Ils sont calculés en points de pourcentage – ou plutôt, en fractions de points de pourcentage – par rapport à la fortune investie. Ainsi, Raiffeisen facture une commission de gestion forfaitaire de 1,1% aux investisseurs auprès de son fonds Raiffeisen Futura – Pension Invest Balanced V (ISIN: CH0102295455), ce qui fait que l’épargnant paye à la banque 110 fr. par an pour un placement de 10 000 fr., que le fonds gagne ou perde de la valeur.
Certaines banques et assurances prélèvent, en plus de ces frais de gestion, des frais de transactions: chaque fois que le fonds qu’elles gèrent achète ou vend des titres, il facture une part de frais à l’investisseur. Cette part, qui dépend du nombre de transactions, est estimée par les banques qui l’appliquent à quelque 0,15% de la valeur de l’investissement, soit environ 150 fr. par an pour un dépôt de 10 000 fr.
Enfin, la plupart des banques facturent des frais supplémentaires lors de l’achat ou de la vente de parts de fonds. Ces frais se montent entre 0,04% et 2% de la valeur du fonds, selon notre pointage. Pour un avoir de 10 000 fr., cela représente des frais uniques supplémentaires compris entre 4 fr. et 200 fr. Enfin, une banque, la BCGE, facture des frais fixes de clôture de compte: 200 fr. en cas de fermeture une année après l’ouverture du compte, réduits à 100 fr. la deuxième année. Une fermeture intervenant dès la troisième année est gratuite.
La banque gagne
Les fonds de placement destinés au pilier 3a facturent globalement des frais plus élevés que les fonds de placement ordinaires. Les frais TER s’échelonnent entre 0% et un peu plus de 2% de la fortune du fonds. Mais la majorité est bien en dessous de 1%, et avoisine plutôt 0,7% à 0,8%. Cela signifie que, pour un placement de 10 000 fr., les frais annuels avoisinent 70 à 80 fr. au lieu des 100 à 120 fr. facturés en moyenne par les fonds de troisième pilier. Sur les nombreuses années au cours desquelles un tel placement est censé durer, la différence peut se chiffrer en milliers de francs.
Le principal argument en faveur d’un avoir de pilier 3a avancé par les banques et les assurances est la défiscalisation de ce dernier: les versements sont déductibles du revenu imposable jusqu’au plafond de 7056 fr. par an pour les salariés et de 35 280 fr. pour les indépendants sans 2e pilier (pour 2024) et la fortune n’est pas taxée. Cela permet d’occulter le fait qu’une partie de cette économie fiscale ne revient pas au client, mais à sa banque ou son assureur.
Yves Genier
Comment on calcule les frais
Les frais encourus par un épargnant décidant de placer son avoir dans un fonds de placement sont de divers ordres. Les plus courants sont les frais de gestion. Mais il peut y avoir aussi les droits de garde, de publication, de vérification et, bien entendu, de transaction. Généralement, les banques réunissent la plupart de ces frais dans les «frais forfaitaires». En revanche, les frais de transaction sont facturés séparément.
Pour avoir une vue synthétique, ces frais sont additionnés. Leur total s’exprime en pour-cent de l’avoir. Ainsi, des frais de 200 fr. pour un avoir de 20 000 fr. correspondent à des frais de 1%.
L’on appelle cet indicateur le «total expense ratio» (TER), ou «ratio de coûts totaux». Plus le TER, exprimé en pour-cent, est élevé, plus les frais du fonds sont élevés. Comme ces frais sont prélevés sur les revenus du fonds (ou la fortune, si les revenus ne suffisent pas), le fonds doit produire un rendement plus élevé que le TER si l’épargnant veut obtenir un gain. Dans le cas contraire, son avoir diminue.
Choisir un fonds
La différence de TER d’un fonds à l’autre ne s’explique pas que par de simples raisons de politique commerciale de chaque banque et assurance. Plus un fonds est complexe, plus il est cher.
Ainsi, un fonds dont la politique de placement suit rigoureusement un indice boursier demande un travail de gestion moindre, car la stratégie de placement est dictée par l’indice. Il est donc généralement bon marché.
En revanche, un fonds suivant une stratégie de placement propre coûte plus cher car il nécessite l’engagement d’un, voire plusieurs gérants s’en occupant spécifiquement.
La palme des fonds chers revient aux véhicules investis dans diverses classes d’actifs – une partie en actions, une partie en obligations, une partie en immobilier, avec des titres suisses et étrangers par exemple – demandant plusieurs expertises – et donc plusieurs spécialistes – et la mise en commun de leurs compétences.
Glossaire
- Classe d’actifs: Supports d’investissement ayant des caractéristiques similaires: les actions sont une classe d’actifs, les obligations en sont une autre, etc.
- Fonds de placement: Véhicule d’investissement géré par une banque, une assurance ou une société de gestion agréée par la Finma recueillant l’épargne des clients et l’investissant dans des actifs, généralement des actions, des obligations et des titres immobiliers en suivant une stratégie déterminée.
- Pilier 3a: Épargne pour la retraite librement constituée, dont les versements sont déductibles du revenu imposable et l’avoir n’est pas inclus dans le décompte de la fortune. Les retraits sont imposables selon des taux particuliers.
- Pilier 3b: Épargne pour la retraite librement constituée mais qui n’est pas défiscalisée au niveau fédéral. Des cantons peuvent prévoir des mesures à leur niveau.
- TER: Abréviation de «ratio de coûts totaux», ou «total expense ratio». Indique, en pour-cent, le montant des frais annuels calculés en fonction de l’argent investi.