S’il y a une phrase qui agace Jérôme Spielmann, c’est celle-ci: «T’as pas peur de perdre ton investissement si tu échoues?» Mais qu’est-ce qu’il l’a entendue depuis qu’il a annoncé à son entourage au début de cette année se lancer dans une aventure, celle de se lancer dans la formation en ligne en matière d’investissement.
La formation, il connaît. Horloger, il est formateur chez Longines à Saint-Imier dans le Jura bernois. Quant au goût d’entreprendre, il l’a acquis lors de deux séjours professionnels aux Etats-Unis entre 2015 et 2023 pour le compte de deux entreprises horlogères. «Là, j’ai vraiment découvert ce qu’est la culture où l’on n’a pas peur de l’échec», se réjouit-il.
C’est donc par «goût d’entreprendre» – c’est son expression – qu’il a lancé cet été la JS Académie, le nom qu’il donne à son cursus de formation en placements financiers. Par cette formation, il espère donner la possibilité à ses étudiants d’améliorer leur revenu en utilisant les armes fournies par l’investissement.
Éducation financière «insuffisante»
«Les ménages éprouvent de plus en plus de difficultés à boucler leurs fins de mois et à léguer un patrimoine à leurs enfants car les salaires et les retraites ne suivent pas la hausse des charges. Or, il y a un moyen d’augmenter son revenu et son patrimoine, c’est le recours aux placements financiers. Encore faut-il maîtriser cet outil», proclame-t-il.
Et ce qui le désole, c’est que «l’éducation financière en Suisse est insuffisante». Trop souvent, constate-t-il, les gens engagent des dépenses – comme le fait de contracter un leasing – sans savoir comment construire un budget. Cette matière n’est pas, ou trop peu, enseignée à l’école. Les familles, trop souvent, ne maîtrisent pas cette connaissance, si bien qu’elles ne la transmettent pas aux générations suivantes, qui se trouvent à leur tour bien démunies.
Son propos est de transmettre «de manière simple, sans jargon et en toute indépendance» ce savoir souvent parsemé de termes techniques qui le rendent a priori difficile d’accès. Concrètement, ses cours sont dispensés sur des vidéos accessibles par internet. En cas de questions, il est joignable par courriel. Coût total pour 13 heures et 45 minutes de cours en ligne: 997 fr., «80 fr. de l’heure», détaille-t-il.
Attention: il ne dispense pas de conseils en investissements. Du reste, il n’en aurait pas le droit, cette activité étant conditionnée à l’obtention d’une autorisation de la Finma.
Sa méthode est directement inspirée de l’apprentissage qu’il a fait lors de son second séjour aux Etats-Unis: celle de l’Américain Robert Kiyosaki, auteur de plusieurs livres de conseils en techniques d’investissement (dont «Rich Dad, Poor Dad») qui se sont vendus à des millions d’exemplaires depuis la fin des années 1990. Notre horloger imérien a investi 25 000 fr. pour suivre une formation complète prodiguée par un disciple de ce gourou de la finance personnelle lors de son second séjour américain. Aujourd’hui encore, il consacre quelque 3000 fr. par an à son perfectionnement.
Argent et succès
Le cursus de Jérôme Spielmann ne se limite pas à aborder les notions fondamentales du négoce de titres en bourse. Il accorde une large place au négoce des options, des instruments dérivés qui permettent d’acheter ou de vendre des actions avec davantage de profit. La spéculation serait-elle défendable lorsqu’elle doit servir à élever le revenu des travailleurs ordinaires? L’argent est-il «sale»?
«Cela dépend de ce que l’on en fait. Lorsqu’il sert à satisfaire nos besoins, l’argent n’est évidemment pas sale.» La limite est franchie, poursuit-il, «lorsque l’on ne crée pas de valeur ajoutée réelle». Reste néanmoins une question ouverte: qu’est-ce qui est une valeur ajoutée réelle, et qu’est-ce qui est, a contrario, une valeur irréelle? Sa réponse est que cela dépend du jugement fait par l’investisseur de la valeur de son placement. «Je conseille de ne placer de l’argent que dans des entreprises avec lesquelles on est en phase. Mais on ne peut pas forcer les gens à faire certains choix d’investissement plutôt que d’autres.»
C’est une vision on ne peut plus libérale: l’argent n’a pas d’odeur, mais ce que l’on fait avec peut en avoir une. Qu’est-ce qui est acceptable et qu’est-ce qui ne l’est pas? La réponse dépend de chaque individu, mais elle est plus facile à trouver si l’on maîtrise les outils. Pour Jérôme Spielmann, le fait de les transmettre au plus grand nombre de personnes est la marque de son succès personnel.
Yves Genier