C’est par un courrier de la Banque Migros comportant des explications en anglais qu’un lecteur neuchâtelois a découvert qu’une partie de ses économies était en train de se volatiliser. Ne parlant pas la langue de Wall Street et sans réponse de la banque, il a demandé des explications à notre rédaction.
Le 11 décembre 2024, la banque l’informait en deux lignes en français que «The United States Bankruptcy Court, Southern District of New York Division, a publié la communication ci-jointe».
Suivait une longue explication en anglais juridique adressée aux créanciers d’une société brésilienne, qui avaient jusqu’au 8 janvier 2025 pour se prononcer sur un plan d’assainissement de la dette de cette société.
Compagnie brésilienne
Notre lecteur avait acquis en juillet 2019 auprès de la Banque Migros pour environ 20 000 francs d’obligations émises par GOL Finance, une société financière luxembourgeoise. Une obligation est un titre de dette émis par une entreprise ou un Etat.
Le débiteur paie à ses créanciers une rémunération calculée en pour-cent de la somme empruntée, le coupon. Plus le coupon est élevé, plus les promesses de gains aux investisseurs sont hautes. Mais un coupon élevé signale aussi un important risque de défaut de paiement. Tant que l’entité émettrice de l’obligation est en bonne santé financière, le coupon est payé. Mais si l’entité dépose le bilan ou tombe en faillite, le créancier perd tout ou partie de son investissement.
L’obligation GOL Finance offrait, lors de son émission en 2019, une rémunération annuelle de 7%, un taux alors très élevé. De plus, elle était bien notée par les agences de notation. Ces arguments ont convaincu notre lecteur, qui a acheté deux obligations à 10 000 dollars pièce sans vraiment réaliser ce qu’il acquérait.
«Pour moi, une obligation, c’était un peu comme un compte d’épargne: c’est sûr, on place, on touche les intérêts et l’argent nous est rendu à la fin», explique-t-il à notre rédaction. Avant de concéder: «Depuis, j’ai beaucoup appris.»
Notre lecteur ne savait pas que GOL Finance est une filiale d’une compagnie aérienne à bas coût brésilienne, GOL Linhas Aéreas Inteligentes. Comme l’emprunt est conduit par des banques new-yorkaises en dollars, la justice américaine est compétente en cas de difficultés financières.
C’est exactement ce qui s’est produit. En janvier 2024, la compagnie dépose le bilan devant le Tribunal des faillites new-yorkais et se met ainsi à l’abri de ses créanciers. La faillite n’est pas déclarée, mais les obligations ne sont pas remboursées à l’échéance.
Des négociations entre la compagnie et ses principaux créanciers aboutissent à un accord en novembre 2024: l’essentiel de la dette ne sera pas honoré et la compagnie peut poursuivre ses activités. Pour être validé par la justice, l’accord est soumis à l’approbation de l’ensemble des créanciers, dont notre lecteur. C’est le courrier qu’il a reçu le 11 décembre dernier et qui l’a laissé aussi perplexe.
«Pas informé»
«Je suis seul face à cette situation. Je n’ai jamais été informé par la banque de la dégradation de cette société alors que j’ai payé des frais de transaction et des droits de garde», dit-il à notre rédaction.
La Banque Migros affirme pourtant avoir «régulièrement informé» ses clients détenant de telles obligations. Si les courriers sont envoyés en anglais, c’est pour «éviter d’éventuelles interprétations erronées ou d’éventuelles erreurs de traduction».
Elle précise que «les obligations de GOL Finance n’ont jamais figuré sur [sa] liste de recommandations» et que les clients qui en ont néanmoins acquises «l’ont fait de manière indépendante et sous leur propre responsabilité». Le rôle de la banque, dans ce cas, «se limite à l’exécution de transactions et à la conservation des titres».
Après avoir été interrogée par notre rédaction sur cette affaire, la banque a néanmoins rappelé notre lecteur pour lui livrer quelques explications.
«J’ai fait une grosse bêtise. Je n’aurais pas dû acheter de telles obligations sans surveiller de près ce qui pouvait leur arriver», concède notre lecteur. «Mais la banque ne m’a pas aidé. Elle m’a laissé seul. Je vais retirer mes avoirs de cet établissement.»
Yves Genier
Conseils: Comment investir dans des obligations
- Une obligation est un titre de dette. Si l’emprunteur connaît des difficultés, il peut ne pas les rembourser.
- C’est au créancier – au détenteur d’obligation – de surveiller la santé financière de l’emprunteur afin, le cas échéant, de vendre son obligation avant qu’il ne soit trop tard.
- Si on ne sait pas ce que l’on veut acheter ou ne le comprend pas, on renonce à un tel achat pour éviter les mauvaises surprises.
- Plus le rendement d’un placement est élevé, plus le risque est important.