Fin avril 2016, un lecteur a décidé de parier sur une hausse du prix du pétrole. Il a investi pour cela quelque 80 000 fr. dans l’achat d’un Exchange Traded Commodity (ETC), soit un titre de propriété d’un panier de matières premières négociées en bourse. Il avait alors vu juste sur toute la ligne: six ans après son achat, le prix du baril de pétrole de la qualité West Texas Intermediate (WTI) avait augmenté de 75%. Pourtant, quelle n’a pas été la surprise de ce lecteur lorsqu’il a consulté son relevé de compte titres: son ETC pétrolier avait perdu 83% de sa valeur. Soit, environ, 66 000 fr. pour son cas. Mais que s’est-il donc passé?
Contrats à terme sur le pétrole
Le titre financier de notre lecteur n’était pas couvert par du pétrole existant. Le stockage de barils aurait été trop coûteux. L’émetteur de l’ETC, la société Wisdom Tree Commodity Securities Limited, dont le siège se trouve sur l’île anglo-normande de Jersey, achète ce que l’on appelle des contrats à terme. Il s’agit de produits financiers qui titrisent un droit à une livraison de pétrole. Les contrats à terme ont toujours une date d’expiration. Wisdom Tree achète des titres qui arrivent à échéance deux mois plus tard.
Puisque la société ne veut pas posséder de pétrole physique, elle vend les contrats avant livraison. Avec le produit de la vente, elle achète de nouveaux contrats dont l’échéance est un peu plus tardive. De cette façon, Wisdom Tree reste investie sur le marché. On utilise le terme «roulement» pour désigner le remplacement des anciens titres par les nouveaux. S’il y a suffisamment de pétrole disponible sur le marché, il en résulte une perte de roulement: la vente des contrats en possession de Wisdom Tree rapporte moins que ce que coûtent les suivants car la société doit encore s’acquitter de frais de stockage et d’assurance. Mais quand le pétrole devient rare et recherché, le prix est supérieur au cours du jour. D’où un bénéfice de roulement.
En plus d’être lié à des contrats à terme, l’ETC de notre lecteur contenait un effet de levier. Le produit reflétait le double de la variation journalière en pourcentage du prix du pétrole. Si le prix du pétrole augmentait un jour de 2%, l’ETC progressait de 4%, et s’il baissait de 4% le lendemain, l’ETC diminuait de 8%. Dans ce cas précis, celui qui investit 100 fr. dans l’ETC n’a plus que 95,68 fr. après deux jours, ce qui correspond à une baisse de 4,32%. On perd ainsi plus du double du prix du pétrole, qui n’a baissé que de 2,08% en 48 heures pour atteindre 97,92 fr. Les pertes continuent de grossir au fil des jours, ce pour quoi la fiche d’information de base du produit indique que la durée de détention recommandée est d’un seul jour. De tels titres ne peuvent apporter qu’une plus-value à court terme aux spéculateurs.
Pertes de change et autres coûts
Comme les contrats pétroliers sont négociés en dollars américains, notre lecteur a par ailleurs subi des pertes de change d’environ 5% sur cinq ans. A cela s’ajoutent les frais des produits proprement dits, qui ont englouti chaque année plus de 1,3% du montant investi.
Les ETC existent aussi pour les métaux industriels tels que le fer, le cuivre ou l’aluminium. Mais comme on l’a vu, leur usage est très risqué. Si l’on veut profiter d’une hausse des prix du pétrole à long terme en prenant moins de risques, mieux vaut acheter des fonds indiciels négociés en bourse qui investissent dans des actions de producteurs de pétrole, comme les multinationales nord-américaines ExxonMobil, Chevron et ConocoPhilips, ou européennes comme TotalEnergies, Royal Dutch Shell et BP. Avec des frais de fonds annuels de respectivement 0,15 et 0,46% du montant investi, ils sont bien moins chers que les ETC et offrent un bien meilleur rendement à long terme.
Les investisseurs qui veulent miser sur une hausse des prix des métaux ont pour leur part intérêt à acheter des fonds de placement avec des actions de prospecteurs plutôt que des ETC. Le VanEck Vectors Global Mining ETF (valeur 41125207) est par exemple négociable en francs. Avec des frais annuels de 0,5%, ce fonds reste relativement bon marché. Il contient par exemple les titres du Brésilien Vale ou des géants miniers australiens Rio Tinto et BHP Group.
Pascal Roth / gda