Les conseils financiers gratuits, ou à prix très modique, fleurissent, notamment en matière de prévoyance, de retraite et de placements. Ils sont offerts par des banques telles que UBS, Raiffeisen, Migros, ou des assurances comme Helvetia ou Swiss Life.
Ces conseils ne sont gratuits ou bon marché qu’en apparence. En réalité, leurs prestataires se financent par la vente de produits financiers, de contrats d’assurance vie ou de mandats de gestion de fortune. Ces banques et assurances conseillent d’acheter leurs propres produits, ce qui leur rapporte de juteuses commissions, ou ceux d’établissements tiers qui leur reversent une partie de leurs gains, les fameuses rétrocessions.
Piège bancaire
Or, il suffit généralement de lire les relevés de portefeuille ou les recommandations de conseillers à la clientèle pour savoir auprès de quelle banque une personne s’est tournée. Tel est, du moins, le constat que dresse notre rédaction. Chaque établissement cherche avant tout à écouler ses propres produits.
Une analyse de Vermögens-zentrum portant sur 28 000 dépôts de titres sur une période de dix ans montre une réalité peu à l’avantage du client: plus un portefeuille est lesté des produits d’une seule banque, plus le rendement est faible. Cela s’explique par le fait que les banques refilent à leurs clients leurs propres fonds de placement gérés activement. Or, ces fonds actifs sont plus chers que les fonds indiciels passifs ou les fonds cotés en bourse (ETF) alors qu’ils ne parviennent que rarement à en battre la performance.
Les banques et les compagnies d’assurance interrogées par notre rédaction affirment que leurs conseillers ne sont ni incités ni encouragés à recommander leurs propres produits financiers ou ceux de tiers à forte commission. Elles affirment au contraire, que les besoins de leurs clients sont au centre des préoccupations de leurs conseillers. Certes, banques et assurances reconnaissent qu’elles facturent leurs services en fonction du produit écoulé, mais suivant des tarifs communiqués aux clients de manière transparente. Toutes soulignent que l’indépendance des conseils financiers est garantie.
Indépendance relative
Les courtiers en produits financiers ne sont guère plus indépendants en matière de conseils. D’une part, ils se rémunèrent à la commission, ce qui les amène à privilégier les produits de leurs partenaires qui les rémunèrent le plus. D’autre part, ils ne couvrent pas l’entier du marché. Autrement dit, la gratuité de leurs conseils masque des rémunérations circulant en coulisses.
Dans de telles conditions, un conseil en placements réellement indépendant est-il possible? Seuls deux conseillers en patrimoine indépendants ont accepté de répondre à cette question. Combinvest, près de Lucerne, assure que ses courtiers touchent une rémunération identique quel que soit le produit financier écoulé, afin qu’ils recommandent «le produit avec la composante de performance optimale» pour le client. Le zurichois Schweizer Vermögensberatung (SVAG), pour sa part, ne rémunère ses conseillers qu’à la commission et assure que le «faible taux d’annulation et le nombre infime de réclamations» démontrent la qualité de ses conseils.
Le vrai prix
Or, un conseil financier doit être «complet, indépendant, ouvert aux résultats, neutre en termes de produits et autonome», estime le président de l’Association suisse des planificateurs financiers, Reto Spring. Qui déplore que le travail des conseillers indépendants, ainsi que celui des banques et des assurances, ne remplisse pas ces critères. Lorsque ces dernières mettent en œuvre elles-mêmes les recommandations qu’elles ont faites à leurs clients, leurs conseils s’assimilent à une vente de leurs propres produits.
Selon Reto Spring, le seul conseil réellement indépendant est celui fourni par un professionnel que le client paie lui-même. Mais six entreprises seulement s’y consacrent exclusivement. Leurs prestations ne sont pas bon marché: le tarif horaire d’un conseiller se situe entre 190 et 345 fr. Il faut donc compter 3000 à 4000 fr. pour une planification complexe de la prévoyance ou de la retraite. Mieux vaut fixer un plafond par écrit au préalable.
Si la planification financière révèle que certains produits sont nécessaires, le client peut décider s’il veut se charger lui-même de l’achat ou s’il veut demander l’aide du conseiller en honoraires. Tous les conseillers en honoraires interrogés soulignent qu’ils révèlent et remboursent les éventuelles commissions aux clients.
Aussi, pour recourir aux services de tels conseillers indépendants, le client doit-il être convaincu de l’absence totale de conflits d’intérêts de la part de ces professionnels. Mais le pari est gagnant sur le long terme: les montants investis dans le conseil indépendant en début de mandat se récupèrent sur la durée par de meilleurs rendements des placements. Tel est, du moins, le credo de l’indépendant Samuel Clemann: «pour les planifications financières globales et complexes, le recours à un conseiller rémunéré par des honoraires est la solution la plus judicieuse.»
Thomas Lattmann / yg
Comment choisir son conseiller
Vous cherchez conseil? Voici quelques recommandations.
- Renseignez-vous auprès de vos amis et de vos connaissances sur leurs expériences avec des conseillers financiers.
- Choisissez un conseiller ayant une formation spécifique et suffisamment d’expérience. Une formation reconnue au niveau fédéral et la qualité de membre d’une organisation professionnelle sont un plus.
- Avant de signer un mandat à la commission, exigez que toutes les rémunérations et leur montant vous soient communiqués.
- Exigez, avant de signer un mandat sur honoraires, un devis écrit contraignant dont vous devez approuver au préalable tout éventuel dépassement.
- Faites-vous confirmer par écrit, si vous avez un mandat sur honoraires, que les éventuelles commissions et rétrocessions seront déduites des honoraires qui vous seront facturés.
- Si un conseiller vous recommande un produit financier, demandez-lui de vous expliquer pourquoi il est judicieux et vous convient. Demandez le coût du produit et d’éventuelles alternatives plus avantageuses (p. ex. des fonds indiciels).
- En cas de mandat à la commission: renseignez-vous auprès de l’entreprise de conseil sur les fournisseurs de produits financiers avec lesquels il existe une collaboration. S’il n’y a que des contrats avec un ou quelques partenaires, le conseiller ne recommandera guère le produit le moins cher ni le plus approprié sur le marché.
- Si vous avez commandé un conseil payé par honoraires auprès d’une banque ou d’une assurance et que l’exécution du mandat passe par le même établissement, veillez à ne pas payer deux fois. Exigez que toutes les commissions et rémunérations de tiers vous soient versées. En outre: évitez les produits maison trop chers de la banque ou de l’assurance qui vous conseille.
- N’achetez que des produits financiers que vous comprenez vraiment après les explications du conseiller.