Son manque d’attention lui aura finalement coûté 10 ans de procédure et près de 720 000 dollars américains (660 000 fr.). Pour ce client, pourtant victime d’un piratage de son ordinateur, la note restera salée. Le Tribunal fédéral vient en effet de confirmer que l’établissement bancaire qu’il fréquentait depuis 1992 ne devra lui restituer qu’une partie des sommes qui lui ont été volées. La raison? N’avoir pas réagi assez vite à une copie, ostensiblement falsifiée, de son portefeuille. Les juges ont estimé qu’en tant que professionnel des affaires, il aurait dû immédiatement y déceler des irrégularités. L’argent transféré à son insu après l’envoi de ce document ne lui sera donc restitué qu’à raison de 2/5èmes du total. La banque, qui n’avait pas contractuellement transféré les risques de fraude sur son client, a pu faire valoir la compensation pour les 3/5èmes restants à cause de cette faute.
L’affaire commence en 2013 dans le canton du Tessin. Utilisant le courriel habituel du client, des pirates demandent à sa banque de transférer à l’étranger, depuis son compte, 60 000 et 200 000 euros le 15 et 18 octobre. Le 22 octobre, le client, qui ne se doute encore de rien, requiert, toujours par courriel, un extrait de son portefeuille. Il le reçoit sur son ordinateur le lendemain. Mais le document est falsifié. Et le client ne réagit pas malgré des indices grossiers, notamment des incohérences dans les chiffres et des différences dans la police utilisée. La banque reçoit ensuite, le 24 et 31 octobre, deux nouveaux ordres frauduleux par courriel de 800 000 dollars, puis 400 000 dollars, qui seront exécutés à leur tour.
Ce n’est que le 29 novembre 2013 que la victime découvre enfin la supercherie, lorsqu’elle demande, aussi par courriel, une nouvelle situation à jour de l’état de son portefeuille. Elle y découvre que son compte a fondu et, cette fois, s’en plaint immédiatement.
Après plusieurs échanges de correspondance, le lésé identifie les quatre versements litigieux, pour un total de respectivement 260 000 euros et 1 200 000 dollars. Mais si la banque est condamnée à rembourser intégralement la somme en euros, tel n’est pas le cas des montants en dollars virés après le 23 octobre, à savoir, après la réception du faux. Le Tribunal est en effet d’avis qu’en ne réagissant pas déjà à cette date, le client a aggravé son dommage. Il doit donc l’assumer partiellement. L’établissement bancaire aurait en effet pu l’éviter s’il avait été prévenu à temps.
Silvia Diaz
Arrêt 4A_539/2021 du 21 février 2023