La Suisse est l’un des pays les plus endettés au monde. La responsabilité en revient essentiellement aux particuliers, étant donné le faible niveau d’endettement de la Confédération et des cantons. Le total des créances privées en cours atteint 211% du revenu disponible des ménages. Ce niveau est deux fois plus élevé que celui de la France, et ne cesse d’augmenter.
La répartition de cette dette met en lumière la stratification sociale du pays: l’écrasante majorité est constituée d’hypothèques. Ne concernant que les propriétaires, elles ne touchent que 40% de la population. Ces débiteurs jouissent de conditions avantageuses: taux d’intérêt bas (en dépit des relèvements récents), traitement fiscal avantageux, jouissance du bien mis en garantie.
A l’opposé se trouvent les crédits à la consommation, les arriérés d’impôts, de primes d’assurance maladie, etc. Les montants sont nettement moins élevés, mais pèsent beaucoup plus lourd sur les épaules de leurs preneurs: issus essentiellement des catégories de la population les plus fragiles, ces derniers ont généralement des revenus plus bas. En outre, ils doivent honorer des taux d’intérêt élevés. Et lorsque les échéances ne sont pas respectées, les sociétés de recouvrement et les autorités de saisie interviennent. Certains débiteurs concernés s’enfoncent dans la précarité. Sans espoir, parfois, de s’en sortir un jour.
Cette situation contribue à l’élargissement des écarts de revenus, analysent les auteurs, spécialistes des universités de Genève et Neuchâtel. Elle résulte, poursuivent-ils, du choix de la Suisse de «financiariser les mécanismes sociaux» et de «moraliser la dette» du fait, notamment de «l’importance du secteur bancaire». Et d’appeler au rétablissement d’équilibres via l’instauration de moratoires voire de remises de dettes, et d’accorder la priorité à quelques droits tel celui du logement sur le remboursement intégral des arriérés.