La banque doit assumer ses manquements
Des escrocs ont intercepté un ordre de paiement transmis à une banque par courrier postal. Et empoché près de 142 000 euros en modifiant les coordonnées du compte destinataire sur le document. L’établissement, qui n’a pas suffisamment comparé l’original avec la copie reçue par e-mail, devra rembourser.
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Mon Argent 01-2022
23.11.2022
Dernière mise à jour:
25.11.2022
Silvia Diaz
La banque a gravement failli à son devoir de vérification. C’est la conclusion à laquelle est parvenue le Tribunal fédéral au terme d’un long combat judiciaire qui l’a opposé à l’hoirie d’un client décédé. Se conformant aux instructions de l’établissement bancaire, les héritiers lui avaient envoyé par courrier postal un ordre de paiement portant la signature originale...
La banque a gravement failli à son devoir de vérification. C’est la conclusion à laquelle est parvenue le Tribunal fédéral au terme d’un long combat judiciaire qui l’a opposé à l’hoirie d’un client décédé. Se conformant aux instructions de l’établissement bancaire, les héritiers lui avaient envoyé par courrier postal un ordre de paiement portant la signature originale de tous les hoirs. L’argent devait être versé au notaire chargé d’administrer la succession. Le fils du défunt avait heureusement pris la précaution d’envoyer par courriel, quelques jours plus tôt, une copie scannée de ce document au gestionnaire du compte, avec qui il avait des contacts téléphoniques réguliers. Bien lui en a pris, car des malfrats ont mis la main sur le pli, modifié les coordonnées bancaires IBAN et BIC du destinataire et corrigé le nom d’un des signataires, qui y apparaissait par erreur deux fois. Avant de renvoyer l’ordre falsifié à la banque. Elle n’y a vu que du feu et l’a exécuté. Malgré leurs efforts, les héritiers n’ont pas pu récupérer la somme, qui a, entre autres, transité sur un compte en Turquie, avant de s’évaporer dans la nature.
L’hoirie a donc réclamé le remboursement de ce montant à la banque. Mais cette dernière s’y est refusée jusqu’au bout. Elle a tenté de faire valoir qu’elle avait ait transféré, dans ses conditions générales, le risque de fraude sur le titulaire du compte. Sans succès: de telles clauses ne peuvent lui être d’aucun secours si elle commet une faute grave. Et cela a bel et bien été le cas dans cette affaire. Les juges de Mon Repos ont en effet estimé qu’elle n’avait pas respecté son devoir élémentaire de diligence en ne comparant pas attentivement le document reçu par la poste avec la copie scannée qu’elle possédait déjà. Si elle l’avait fait, elle aurait pu déceler une divergence entre les deux versions, qui, selon le Tribunal, «sautait aux yeux», puis contacter soit le fils du défunt, soit un autre héritier, pour tirer la situation au clair avant d’exécuter l’ordre. Le fait que le gestionnaire de compte ait délégué le contrôle à son assistante, au lieu de s’en occuper lui-même, n’a rien arrangé. Selon les directives internes de l’établissement, il avait la responsabilité de vérifier personnellement les signatures.
ATF 4A_415/2021 du 23 août 2022
sd