Prenez deux personnes actives arrivant au seuil de la retraite. Elles ont touché exactement le même revenu. Elles ont cotisé exactement la même somme d’argent tout au long de leur carrière, qui a eu la même durée. Elles ont le même genre et vivent dans le même canton avec le même statut marital. Et pourtant, l’une d’elles touchera une retraite plus élevée que l’autre.
La faute en revient essentiellement au 2e pilier. Les multiples caisses de pension qui le structurent ont chacune leur propre mode de gestion des avoirs de retraite de leurs affiliés, et sa propre méthode de calcul des prestations. Ce sont leurs différentes approches qui font que certaines institutions de prévoyance se montrent généreuses, d’autres franchement pingres.
Mon Argent a fait ses calculs (lire notre article «La prévoyance ne remplit pas ses promesses»): l’écart de rente, pour un revenu et un niveau de cotisation identique, atteint 14% sur un échantillon d’une quinzaine de grandes caisses de pensions collectives. Ce chiffre résulte d’un calcul basé sur les rendements des avoirs de retraite de ces dix dernières années seulement. Sur les quelque quatre décennies que dure une vie professionnelle, cet écart de rentes est démultiplié. Pour de nombreux cotisants, le revenu perçu à la retraite n’atteint pas le fameux niveau de 60% du dernier salaire, un principe de base, pourtant, du système de retraite. Il n’atteint parfois même pas le minimum vital, même pour un actif qui se situe au centre de l’échelle des revenus.
Le 2e pilier a été construit sur ces différences. Elles sont censées encourager la concurrence, laquelle doit inciter les caisses à fournir les meilleures prestations pour leurs affiliés. Mais on est loin du compte. La concurrence est très limitée. Les salariés n’ont pas le choix de leur caisse puisqu’ils doivent s’affilier à celle de leur employeur. Les indépendants peuvent, eux, choisir leur caisse, mais les affiliations se font ordinairement selon la profession.
Les seuls bénéficiaires réels de la concurrence sont les employeurs. Libres du choix de leur caisse pour leur entreprise, ils peuvent orienter les prestations de prévoyance de leurs entreprises en fonction de leurs priorités. S’ils veulent attirer des talents, ils feront en sorte que leur caisse sera généreuse. S’ils sont près de leurs sous, leurs caisses seront pingres.
Pour les salariés, la seule manière d’améliorer leur future retraite est d’intervenir directement auprès de la direction de leur caisse de pension. Les affiliés y disposent, selon la loi, de la moitié des voix. C’est presque la majorité. Il n’en faut pas beaucoup plus pour transformer, sur la durée, une caisse pingre en caisse généreuse et relever le revenu des années de retraite (Voir notre tableau «Total des rentes des 1er et 2e piliers»).