Une lectrice de Châtel-Saint-Denis (FR) voulait poser un panneau solaire supplémentaire sur son toit, en plus de la bande prévue dans les plans de construction. Sa maison, mitoyenne et encore en chantier, se trouve dans un site d’importance nationale et voisine d’une ferme classée au patrimoine, récemment rénovée et équipée d’un panneau solaire. Notre lectrice a donc dû déposer une demande de permis de construire. Or, le 13 septembre dernier, le Service des biens culturels du canton de Fribourg (SBC) s’est prononcé contre, ce qui risque d’entraîner un refus de la commune.
Déçue, notre lectrice a, en plus, été surprise que le signataire de la décision du SBC écrive en toutes lettres dans sa prise de position: «Considérant que l’implantation ne respecte pas la directive cantonale en la matière pour des raisons que j’ignore, le Service estime judicieux de limiter à une bande de panneaux solaires par habitation.» Une décision motivée pour des raisons que l’on ignore est une décision arbitraire, a pensé la propriétaire du futur logement.
Directives à réviser
Il n’y a pas besoin de demander d’autorisation pour poser des panneaux solaires, selon la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT). Une simple déclaration à la commune suffit. Exception: pour les immeubles et les sites d’importance nationale ou cantonale. La pose de panneaux solaires sur ces derniers est possible. Mais ces derniers «ne doivent pas porter d’atteinte majeure à ces biens ou sites», expose l’article 18a alinéa 3 de la LAT.
Là est toute la question: la pose d’un panneau photovoltaïque de plus est-elle une atteinte majeure au site? Le canton de Fribourg tente de répondre à cette question avec une réglementation instaurée en 2015 et amendée en 2022, la «Directive concernant l’intégration architecturale des installations solaires thermiques et photovoltaïques». Cette directive prescrit des formes d’installations sur les toits. Elle exige, notamment, que «la symétrie entre les maisons mitoyennes doit être conservée».
Mais cette directive risque d’être contredite par la LAT. Son article 18a précise, dans son alinéa 4, que «l’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire sur des constructions existantes ou nouvelles l’emporte en principe sur les aspects esthétiques». La loi donne donc clairement la priorité à la production électrique sur le confort du regard.
«Pas de dommage majeur»
La mise en œuvre de ce dispositif, qui date d’avant la crise de l’énergie de l’an dernier, a vu son urgence s’accroître en raison de la hausse massive des tarifs de l’électricité qui en a résulté. Malheureusement, cette mise en œuvre est freinée par la multitude de directives et règlements qui, dans toute la Suisse, aux niveaux cantonaux et communaux, freinent ou empêchent la pose de nouvelles installations, parfois abusivement.
Le chef du Service des biens culturels du canton de Fribourg, Stanislas Rück, convient que les contraintes de production photovoltaïque prennent de plus en plus d’importance par rapport à la protection du patrimoine. Aussi, il reconnaît que la Directive cantonale concernant l’intégration architecturale des installations solaires thermiques et photovoltaïques de 2015 a besoin d’être révisée pour acter ces changements de priorité entre production énergétique et critères esthétiques. «Ce sera fait d’ici quelques mois», promet-il.
Quant au panneau solaire de notre lectrice, il admet aussi que son ajout «ne causera sans doute pas un dommage majeur» au site dans lequel se trouve la maison concernée. Aussi annonce-t-il à notre rédaction que son service va vraisemblablement revoir sa décision pour, finalement, autoriser la pose de l’installation solaire supplémentaire demandée.
Yves Genier