Soupçonnant un piège dans l’offre d’assurance-vie qu’il venait de recevoir, un lecteur vaudois s’est adressé à notre rédaction pour comprendre. Pourquoi, se demandait-il, l’avoir garanti par la proposition que lui a faite l’assureur Axa Vie est-il inférieur, au terme du contrat, au montant total des primes payées?
La proposition faite par l’assureur basé à Winterthour est un plan de prévoyance. Son nom: SmartFlex. Elle répartit les primes payées en deux comptes. Le premier est qualifié de sûr. Il est placé sur un «compte sécurisé» à intérêt fixe. Il n’est donc pas exposé aux aléas des marchés financiers.
Le second compte est «orienté rendement». Il est placé dans des véhicules de placement exposés aux hausses et aux baisses des marchés financiers. Lorsque ces derniers sont en progression, le capital de ce compte augmente. Lorsqu’ils baissent, ils diminuent.
Jusqu’ici la proposition est simple à comprendre. Cela se complique néanmoins avec les rendements et les frais.
Frais variables
Prenons, pour commencer, le compte du «capital sécurisé». L’avoir est rémunéré selon un taux d’intérêt fixe, mais qui peut changer d’une année à l’autre. Toutefois, le revenu des intérêts n’est pas versé sur le «compte sécurisé» mais sur l’autre compte, celui qui est orienté placements. Aussi, l’avoir sécurisé ne peut-il s’accroître, au fil des années, que par le versement de nouvelles primes.
Ce compte, toutefois, est chargé de frais. Ces derniers sont contractuels. Ils sont constitués de frais de placement, actuellement de 0,47% de l’avoir, par an, ainsi que des frais de couverture des risques à la couverture en cas de décès. L’assurance précise néanmoins que les frais de risque ne sont pas constants et sont calculés chaque mois.
Sur la durée du contrat, le total des frais facturés à l’assuré se monte à 0,68% de l’avoir, par an. Mais ce sont des frais projetés. Cela signifie qu’ils peuvent être plus bas, ou plus élevés. L’offre reçue par notre lecteur ne mentionne que les frais de placement (0,47% «actuellement») mais ne chiffre pas les autres coûts.
C’est l’assuré qui paye
Ces frais sont évidemment à la charge de l’assuré. Ils sont prélevés par la compagnie d’assurance en déduction des rendements des placements générés par le compte «orienté rendement». Cette déduction est appelée «réduction du rendement». Cela signifie que si le rendement est, mettons, de 0,68% de l’avoir et que les frais sont au même niveau, l’assureur empochera ses commissions et l’assuré ne recevra rien.
Ces rendements, s’ils existent, sont donc attribués au compte «orienté rendement». Ils sont constitués de l’intérêt du «compte sécurisé» auquel s’ajoute le rendement des placements du compte «orienté rendement». Au total ainsi atteint sont déduits les frais.
L’assuré est donc certain, s’il veut toucher un jour son assurance, de devoir payer sa prime annuelle. Mais vu les inconnues aussi bien sur l’évolution des frais que celle des rendements, il ne sait pas ce qu’il touchera à la fin. Si les rendements sont de zéro, l’avoir qu’il aura patiemment constitué au fil des années sera amputé des frais. L’assurance aura gagné sa vie et l’assuré aura vu son avoir amputé.
Actions technologiques américaines
Notre lecteur s’est vu proposer de payer 7387,20 fr. par an (616,60 fr. par mois) de primes pour son plan de prévoyance, et cela pendant 37 ans. Sur la durée, il aura donc payé 273 326,40 fr.
Le plan proposé répartit ce paiement pour moitié dans le «compte sécurisé» et pour l’autre moitié dans le compte «orienté rendement». Le «compte sécurisé» est actuellement crédité d’un intérêt de 1,5%. Mais une projection de l’assurance indique que cet intérêt peut plonger à 0% sur la durée du contrat. Cet intérêt doit être crédité au compte «orienté rendement».
L’avoir de ce dernier doit être placé dans un fonds d’Axa, le AXA Strategy Fund Global Equity CHF (ISIN: CH0457194931), lequel est avant tout investi dans des actions de géants américains des technologies numériques. Sa performance est très attrayante: 49,13% depuis sa création en 2019, un tout petit peu mieux que son indice de référence.
Ce fonds a bénéficié de l’envol de ce secteur d’investissement pendant les années de pandémie. Mais ces heures exceptionnelles ne vont peut-être pas durer. Cela signifie que la fortune placée dans ce fonds a très fortement crû, mais que cela ne se prolongera peut-être pas.
Pas de risque pour l’assurance
Selon les trois scénarios que l’assurance doit présenter dans son offre, le pessimiste promet à l’assuré de toucher 279 974 fr. au terme du contrat, soit un peu plus de 6000 fr. de mieux que ce qu’il a payé au total. Les deux autres sont évidemment bien plus roses (jusque passé un million de francs au bénéfice de l’assuré!).
Comme l’assurance le souligne, ces projections ne sont pas garanties. La seule valeur qui l’est est celle de rachat du «capital sécurisé», qui se monte à 121 722 fr. à la dernière année du contrat, soit 14 945,20 fr. de moins que le total des primes payées pour la constitution du capital sécurisé.
Si le client empoche un jour son argent, ce sera avant tout grâce aux marchés qu’il le devra. Il pourrait par conséquent tout aussi bien faire ce travail lui-même.