«Bonjour, c’est à propos de vos cotisations LPP…» L’appel téléphonique n’est évidemment pas sollicité et il arrive à un moment plutôt inopportun. Mais la voix au bout du fil exprime toute la gravité de la situation: vous auriez perdu des avoirs de prévoyance au fils de vos changements d’employeur, et – opportunément! – cette voix vous propose une solution pour les retrouver.
Dans la majorité de tels appels parvenus à la connaissance de notre rédaction, la conversation s’est terminée après quelques secondes par un sec: «Non merci, cela ne m’intéresse pas.» Mais s’il s’est multiplié ces dernières semaines, c’est que le jeu en vaut la chandelle: manifestement, un certain nombre de personnes contactées ont donné suite.
Prestation gratuite
Le fait de proposer au public de rechercher des avoirs de prévoyance égarés au fil des changements d’employeur est une activité légitime. Elle ne tombe pas sous la surveillance de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma). Cependant, le client n’a que rarement intérêt à y recourir.
La Confédération met gratuitement à disposition un mécanisme de recherche appelé Centrale du deuxième pilier. Les courtiers qui proposent cette prestation facturent généralement une commission d’environ 3%. Rechercher un avoir de retraite de 100 000 fr. revient donc à quelque 3000 fr.
Au mieux, l’avoir est versé sur un compte de libre-passage d’une banque ou d’une compagnie d’assurance bien établie mais dont la prestation ne correspond pas forcément au besoin du client.
La Finma alerte
Au pire, l’avoir est confié à des personnes ne présentant pas les garanties d’un usage honnête. En bref, vous risquez de perdre le contrôle de vos avoirs de retraite.
Ainsi, l’auteur de cet article a reçu une telle proposition par téléphone le 10 septembre dernier. L’opératrice lui a proposé de confier la recherche de ses avoirs à une entité nommée «Schweiz Beraten».
Durant l’appel, l’auteur s’est livré à une rapide recherche sur internet: cette entité n’apparaît pas au Registre du commerce. Première alerte. Second avertissement, encore plus sérieux: elle figure sur la «liste d’alerte concernant les entreprises qui sont susceptibles d’exercer sans autorisation» tenue par la Finma.
Cette liste, comme la Finma l’explique à notre rédaction, contient non seulement les entités «susceptibles d’exercer sans autorisation une activité soumise à autorisation» et qui n’ont pas répondu à la Finma ou ont donné des réponses fausses; ou, plus grave, celles qui «exposent les investisseurs à un danger imminent et important». Autrement dit: au risque d’escroquerie.
Silence sur toute la ligne
Est-ce que Schweiz Beraten est inscrite parce qu’elle n’a pas encore renvoyé le questionnaire de la Finma, qu’elle s’est trompée dans ses réponses ou que l’autorité la soupçonne de voler ses clients? A-t-elle déposé plainte contre elle ou ses dirigeants? Une procédure pénale est-elle engagée? Silence: l’autorité «ne peut en principe pas se prononcer sur des cas individuels», dit-elle.
Schweiz Beraten garde le silence elle aussi. Son nom figure conjointement sur la liste d’alerte de la Finma à celui de The New Vision, une société à responsabilité limitée (Sàrl) inscrite au Registre du commerce de Genève jusqu’à sa radiation définitive en mars 2023 après être tombée en faillite.
Le dirigeant de The New
Vision est un Français domicilié dans le canton de Genève. Il dirige une autre société, spécialisée dans le courtage en assurances, domiciliée à la même adresse genevoise que The New Vision.
Cette personne est aussi toujours directeur général du courtier en assurances Eden Léman Consulting (ELC), domiciliée au même endroit. ELC s’était vu reprocher par un lecteur de Mon Argent (n°2/2023) de ne pas l’avoir suffisamment mis en garde sur les risques au moment de le conseiller sur le placement de son avoir de libre-passage. ELC n’avait alors jamais répondu aux questions de notre rédaction.
Contacté à nouveau à plusieurs reprises par notre rédaction, son dirigeant ne s’est à nouveau pas manifesté.
Yves Genier