Etranglé par les dettes, un propriétaire immobilier genevois était menacé de saisie de ses biens par ses créanciers. Ceux-ci avaient fait réaliser, via l’Office des poursuites, une estimation immobilière. Mécontent du résultat, le débiteur en a fait réaliser une deuxième, qui a conclu à un montant nettement plus élevé. Et comme cela ne lui suffisait toujours pas, il a cherché à en obtenir une troisième. Celle-ci lui a été refusée par le Tribunal fédéral.
Ses biens immobiliers se composaient d’une villa de deux logements, édifiée sur trois parcelles situées dans les beaux quartiers de Genève. Ils étaient gagés à hauteur de 7,5 millions de francs. En 2019, son créancier hypothécaire a exigé le remboursement de sa dette de 5,3 millions de francs. Puis ses autres créanciers ont engagé des poursuites pour environ 460 000 fr. Fin 2019, l’Office des poursuites a ordonné la première expertise en vue d’une saisie. Celle-ci a valorisé ses biens à 6,9 millions de francs.
C’est à la demande du débiteur que la seconde expertise a été ordonnée. Celle-ci a eu lieu début 2022 et a réévalué la valeur des biens à 8,1 millions de francs. Invité à déposer ses observations sur cette seconde expertise, le débiteur a reporté à plusieurs reprises son envoi. Il affirmait être sur le point d’obtenir une autorisation de construire, qui devait relever la valeur de son bien.
Néanmoins, l’Office des poursuites l’a informé en août 2022 qu’un nouveau report pour l’envoi de ses observations n’était plus possible. A la suite de quoi, le débiteur a gardé le silence.
Une année plus tard, en août 2023, l’Office décide de rendre la seconde estimation définitive. Le débiteur, qui avait entre-temps reçu son autorisation de construire, en septembre 2022, a recouru au TF en septembre 2023 contre cette décision. Son argument: l’obtention du permis de construire avait relevé la valeur de sa parcelle à 9,5 millions de francs. Puis il demande une troisième expertise.
Or, l’argument de l’obtention du permis ne figurait pas dans ses interventions précédentes puisqu’il n’avait pas fait d’observations sur la seconde expertise de l’office des poursuites. De même, il n’avait pas demandé de troisième expertise à ce moment-là.
Aussi, le TF a-t-il rejeté son recours: «Les nova ne sont pas admissibles, qu’il s’agisse de faits ou de moyens de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée», écrit la Haute Cour. En bref: le montant de 9,5 millions de francs lui paraît surgi de nulle part.
L’estimation reste par conséquent fixée à 8,1 millions de francs. Si le propriétaire et débiteur avait annoncé en temps et en heure ses observations à l’Office des poursuites, le verdict aurait peut-être été différent, et la valeur de la parcelle aurait été plus élevée. A trop jouer sur les prolongations et les délais, ce débiteur a fini par se brûler les ailes.
Arrêt 5A_676/2023 du 8 décembre 2023