Vous souhaitez connaître le prix d’un logement? Plusieurs sites internet s’offrent à réaliser une estimation gratuite en quelques clics et minutes.
Leurs résultats sont loin d’être précis. Les prix estimés sont souvent indiqués en fourchettes avec des écarts pouvant atteindre 40%. Les valeurs médianes sont souvent bien éloignées de ce que les propriétaires peuvent savoir de la valeur de leur bien.
Notre rédaction a testé les services d’estimation immobilière automatiques de cinq sites: Homegate, Houzy, Kiiz, Naef Immobilier et Neho. Ces sites sont parmi les plus utilisés de Suisse romande (lire leurs présentations détaillées dans l'encadré ci-dessous).
De l’appartement au chalet
Six objets réels ont été estimés: trois villas mitoyennes (dont deux citadines), une ferme restaurée, un appartement dans un petit immeuble périurbain et un chalet montagnard, dans les cantons de Vaud, Fribourg et du Valais.
Leurs propriétaires ont d’abord livré l’estimation la plus précise, à leur connaissance, de leur bien. Ils ont dû se baser sur des éléments tangibles: l’estimation de leur banque, une ou des transactions récentes (pas plus de deux ans) portant sur des objets comparables et à proximité, estimations faites par des experts venus sur place.
Puis ces propriétaires ont répondu aux questions précises des sites d’estimation. Ces derniers veulent d’abord connaître l’adresse exacte du bien. Puis ils demandent des informations précises sur leurs caractéristiques: nombre de pièces, surface ou volume d’habitation, présence ou non d’une terrasse, d’un jardin, d’une place de parc, etc.
Pour chaque objet, des données identiques ont été livrées aux cinq comparateurs interrogés. Toutes les comparaisons ont été effectuées au cours du mois de mars dernier.
66% de surestimations
Sur les 30 estimations effectuées, quatre ont abouti à des estimations correspondant à celles de leurs propriétaires; 20 à des estimations supérieures de 10% voire plus; trois ont abouti à des valeurs inférieures; deux n’ont pas pu aboutir, le site de Homegate étant tombé en panne.
Dans l’ensemble de notre échantillon, les surestimations représentent 66,6% des résultats, les sous-estimations 10% et les évaluations correctes 13,3%.
Confrontés aux résultats, les exploitants des cinq sites apportent des réponses similaires à celle de Marc Comina, directeur et cofondateur de Kiiz: «Ce sont par définition des estimations sommaires.» «Nous indiquons à la fin de l’évaluation en ligne qu’il s’agit d’une estimation approximative», ajoute Vincent Privet, directeur des opérations de Neho. Cet avertissement est généralement cité sur les sites web, mais pas toujours rappelé dans l’envoi des estimations.
Faiblesses des modèles
Deux raisons sont avancées pour justifier les approximations. Premièrement, les résultats sont influencés par la qualité des informations fournies. Or, «même des modifications apparemment mineures des données peuvent avoir une grande influence sur le résultat final», avance Vincent Privet.
Deuxièmement, les modèles d’évaluation utilisés sont loin d’être parfaits. «L’on dit dans la branche que les modèles d’évaluation peuvent avoir leurs forces et faiblesses dans certaines régions de Suisse», admet Pascal Stöckli, responsable des produits chez Houzy.
Les sites d’évaluation se basent en effet tous sur des modèles théoriques. Ces derniers s’appuient sur des montagnes de données de marché et sur de nombreux critères comme la localisation, les dimensions et l’âge du bâtiment. Ces modèles sont développés par des entreprises spécialisées comme CIFI et Wüest & Partners.
Plus le nombre de données et de critères est important, plus le modèle a des chances d’être précis. A contrario, plus le nombre de données et de critères est réduit, plus les risques d’approximation sont grands.
«Convenir d’un rendez-vous»
Or, «les soi-disant calculateurs rapides gratuits ne donnent qu’une fourchette sur la base de données limitées», explique Sebastian Sinemus, de Swissmarketplace Group, l’exploitant de Homegate qui propose pourtant un tel calculateur gratuit.
La forte proportion des surestimations interroge: les exploitants de sites chercheraient-ils à attirer de nouveaux clients en leur faisant miroiter des prix surfaits? «Notre objectif n’est pas de susciter des attentes irréalistes», se défend Naef Immobilier, à l’instar des autres exploitants de sites de comparaison.
L’objectif est, poursuit Naef, «d’indiquer une fourchette estimative minimale à maximale sans fournir une information de manière trop précise dans le but de convenir d’un rendez-vous avec nos courtier-e-s dans le but de communiquer une estimation précise du bien». Ses concurrents ne disent pas autre chose.
Offrir une évaluation gratuite n’est donc qu’un moyen, parmi d’autres, d’attirer le client.
Le sort des données personnelles
Que deviennent les adresses et les informations servant à estimer les biens? Les cinq comparateurs assurent que ces données personnelles sont traitées selon la Loi sur la protection des données (LPD), qui autorise le client à en exiger la correction, l’effacement, ou l’interdiction de les partager. Naef explique que ses serveurs sont en Suisse et applique aussi le RGPD européen. Houzy assure que les utilisateurs «en gardent le contrôle». Kiiz expose sur son site internet que les données collectées servent à des fins de marketing/promotion.
Des courtiers bien réels
Kiiz
Jeune pousse lausannoise fondée en 2018 notamment par le communicant Marc Comina, l’un de ses actionnaires, la société appuyait ses estimations, à ses débuts, sur les cinq modèles présents sur le marché suisse: ceux de CIFI et de Fahrländer & Partner, et aussi ceux de Wüest & Partner, PriceHubble et de l’Institut suisse de l’économie immobilière. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La société ne révèle pas son modèle d’estimation.
neho
Jeune pousse fondée en 2017 et basée à Lausanne, est détenue notamment par le groupe immobilier valaisan Investis de l’investisseur Stéphane Bonvin. Elle s’appuie sur le modèle de PriceHubble.
Houzy
Détenue par une start-up du même nom fondée à Zurich en 2019, elle est détenue en majorité par l’assureur Baloise et la banque UBS depuis 2022. Elle s’appuie sur le modèle de Fahrländer Partner.
Naef
L’agence immobilière familiale basée à Genève s’est lancée, comme maints concurrents, dans le domaine de l’estimation numérique pour s’adapter au marché. Elle s’appuie sur le modèle PriceHubble.
Homegate
Appartenant à Swiss Marketplace Group (Immostreet, Immoscout24, Acheter-louer, Ricardo, etc.) à Zurich, détenu par les éditeurs TX Group et Ringier, l’assureur La Mobilière et la société de capital-investissement General Atlantic, Homegate s’appuie sur le modèle développé par CIFI. Ce dernier existe depuis 30 ans et s’appuie à 80% sur les prix payés des transactions immobilières.