De nombreux consommateurs choisissent de se fournir en électricité produite à partir de sources renouvelables. Ils partent du principe que leur électricien leur amène de l’électricité d’origine hydraulique ou solaire et paient un supplément pour cela.
Ainsi, les services municipaux de Saint-Gall facturent près de 100 fr. de plus par an le courant garanti d’origine «verte» pour un ménage de quatre personnes qu’un approvisionnement incluant du courant nucléaire. Ce surcoût avoisine 120 fr. chez Romande Energie dans le canton de Vaud et en Bas-Valais.
Certains fournisseurs, comme les Services industriels de Genève (SIG) ou les Entreprises électriques du canton de Zurich (EKZ) ne proposent plus que de l’éco-courant à leurs clients privés. Sur leur site Internet, ils promettent que leur électricité est «produite à 100% à partir de ressources renouvelables». Le courant vendu aux consommateurs genevois provient à 19,2% de l’étranger. Cette part monte à 93% pour l’électricité vendue par EKZ.
Or, selon les calculs de l’entreprise technologique argovienne Aliunid, l’électricité vendue par EKZ ne se compose pourtant de sources renouvelables que pour une bonne moitié. Pour le solde, 40% de l’énergie provient de centrales nucléaires et à charbon étrangères. On ne peut donc pas parler de «100% renouvelable». Ce calcul confirme l’estimation générale produite par le calculateur de l’Université de Genève Horocarbon, qui donnait, une part de 39,5% à l’électricité consommée en Suisse le 5 novembre.
La demande excède l’offre
Comment transforme-t-on de l’énergie d’origine fossile ou atomique en courant renouvelable? Par l’emploi de certificats de garantie d’origine.
Ces certificats sont émis par les producteurs d’électricité suisses et étrangers pour chaque kilowattheure d’électricité produit. Ils indiquent où et comment l’électricité a été produite. Ils répondent à une exigence légale, qui veut que chaque kilowattheure vendu ait une origine connue et certifiée.
Néanmoins, les fournisseurs d’électricité peuvent acheter les garanties d’origine indépendamment de l’électricité physique. Ce procédé leur permet de labelliser comme «courant vert» de l’électricité produite par une centrale nucléaire. Pour ce faire, le fournisseur doit simplement acheter séparément des certificats d’électricité d’origine renouvelable pour la même quantité d’électricité non renouvelable à écouler sur le marché. Une fois réétiqueté, le courant nucléaire ou fossile devient «vert» en toute légalité.
Directeur de la Fondation suisse de l’énergie, Nils Epprecht critique cette pratique: «De nombreux consommateurs pensent qu’ils achètent du courant indigène issu d’énergies renouvelables. Mais dans les faits, ils achètent aussi de l’électricité nucléaire ou à base de charbon, qui voit son profil amélioré avec des certifications d’hydroélectricité étrangères.» Ces attestations sont utilisées abusivement pour «verdir» la production d’électricité, affirme Nils Epprecht.
Outre les SIG et EKZ, plusieurs autres entreprises d’électricité municipales et cantonales vendent exclusivement de l’électricité issue de sources prétendument renouvelables. Et pourtant, les chiffres de l’Office fédéral de l’énergie montrent une réalité bien différente: les fournisseurs suisses vendent au total environ un quart de plus d’électricité renouvelable qu’ils n’en produisent eux-mêmes. Ce surplus est permis par le recours aux garanties d’origine.
Négoce suspendu
EKZ rejette catégoriquement la «critique d’écoblanchiment». Le marché de l’électricité physique est séparé de celui des garanties d’origine: «L’électricité en tant que produit ne peut pas être comparée à des produits physiques», argumente l’électricien zurichois.
L’année dernière, l’entreprise a acheté environ 70% des garanties d’origine dans des pays lointains comme la Norvège, la Serbie, la Lettonie et même l’Islande. Or, dans le monde réel, il n’est pas possible d’acheminer de l’électricité islandaise en Suisse faute de ligne électrique entre l’île nordique et le continent européen.
De plus, la négociation des certificats islandais a été suspendue pendant quelques mois à la suite de soupçons de double comptabilité: les certificats vendus à l’étranger étaient aussi comptés dans l’écobilan du pays. Cette interdiction a toutefois été levée au printemps 2023 après que l’Islande a promis de mettre fin à cette pratique. Un soupçon similaire pèse sur la Norvège, grosse émettrice de certificats d’hydroélectricité.
Plusieurs distributeurs d’électricité suisses sont dans le même cas qu’EWZ: ils promettent de vendre de l’électricité 100% renouvelable sans avoir les moyens de la produire eux-mêmes. Le manque doit être acquis au moyen de certificats d’origine. Cette pratique est facilitée du fait que l’offre de tels certificats est excédentaire dans toute l’Europe, car ces derniers ne sont pas exigés partout. Les pays qui n’en veulent pas pour eux-mêmes les revendent à l’étranger avec profit.
La Commission fédérale de l’électricité (Elcom) critique le commerce des garanties d’origine: celles-ci représenteraient une «charge supplémentaire inutile» pour les consommateurs.
De fait, ce système entraîne des coûts supplémentaires pour les fournisseurs d’électricité, qu’ils répercutent sur les consommateurs.
Daniel Bütler / yg
Mesurer la consommation
Plusieurs sites Internet permettent de connaître la provenance précise du courant électrique:
- horocarbon.ch
Exploité par l’Université de Genève, il publie en temps réel la provenance du courant dans toute la Suisse. - aliunid.com
Entreprise basée en Argovie livrant des données de provenance. - electricitymaps.com
Basée au Danemark, cette entreprise livre des données passées et présentes de l’origine de l’électricité en Europe. - swissgrid.ch
L’exploitant suisse des lignes à haute tension publie chaque année des statistiques détaillées.
Conseil
Qui souhaite une électricité respectueuse de l’environnement peut opter pour du courant labellisé «Nature Made Star». Ce label permet de soutenir des installations hydrauliques ou solaires respectueuses de l’environnement en Suisse.