Le lancement en décembre dernier du premier fonds de placement autorisé par la Finma sur les viagers a relancé l’intérêt pour cette forme de cession d’un bien contre une assurance de rente. Comme le célébrissime film éponyme de Pierre Tchernia et René Goscinny (1972) le montre, le viager est une transaction entre un propriétaire (généralement âgé et sans héritiers) et un investisseur.
Le premier cède sa maison au second qui, en contrepartie, verse au premier une rente en plus d’une somme de départ (nommée «le bouquet», généralement 20 à 30% de la valeur du bien). Cette somme sert principalement à amortir la dette hypothécaire. Les détails (prix de la maison, montant du bouquet et de la rente, durée de celle-ci, etc.) sont déterminés entre les deux parties.
La formule est généralement présentée comme un complément de revenu pour la retraite pour le crédirentier, et comme un placement pour le débirentier. Le risque est la durée de vie du premier, et donc l’investissement total du second.
Au plan fiscal, l’affaire semble plus favorable pour les deux parties qu’une rente et un placement ordinaires: la rente n’est taxée qu’à 40% de son montant total, rappelle Sarah Busca Bonvin, avocate spécialisée à Genève. Sur 20 000 fr. de rente annuelle, le fisc ne calcule l’impôt sur le revenu que sur 8000 fr. Raison à cela: le fisc considère que cette tranche correspond aux intérêts perçus par le crédirentier en contrepartie de la remise de son bien. De façon symétrique, le débirentier peut déduire ces mêmes 40%, puisque, selon le fisc, ce sont des intérêts qu’il paye.
Mais ce chiffre doit changer: l’adoption par les Chambres l’été dernier de la Loi fédérale sur l’imposition des rentes viagères l’a remplacé par une formule destinée à mieux refléter l’évolution du taux technique maximal déterminé par la Finma pour les assurances-vie (actuellement 0,05%). Selon cette formule, le taux d’imposition devrait s’élever à 43% actuellement. Vu que le taux technique maximal est appelé à remonter au vu de l’évolution des marchés financiers, la tranche soumise à l’impôt va s’élargir, accroissant la charge fiscale du crédirentier. La loi entre en vigueur le 1er janvier 2025.
L’autre piège est l’augmentation de l’imposition sur la fortune: la transaction détermine la valeur fiscale de la maison, et induit normalement une hausse assez marquée. Cela a de l’effet sur deux impôts: fortune et foncier, dus par le crédirentier (puisqu’il conserve l’usufruit de son bien). Si, en plus, le crédirentier a réduit sa dette, sa fortune s’en trouve encore accrue. Au final, la hausse de sa facture fiscale peut s’élever à plusieurs milliers de francs par an.
Yves Genier