Parmi les personnes qui se retrouvent dans les services cantonaux de conseil en matière de dettes, certaines sont encouragées à recourir à la faillite privée. Une procédure dont peuvent tirer parti les individus qui gagnent trop peu pour rembourser leur dû, mais suffisamment pour ne pas contracter de nouvelles dettes.
Le cas d’une lectrice est éloquent. Co-directrice d’une société qui a fait faillite après deux ans, avec comme résultat une perte totale pour tous les créanciers, elle s’est retrouvée en posture on ne peut plus délicate. Les assurances sociales ont notamment réclamé environ 240 000 fr. pour les cotisations sociales non versées des employés. Dévastée, elle «laisse tout tomber». Ses décomptes d’impôts restent impayés, ses primes maladie aussi. Notre lectrice se retrouve aux poursuites et son salaire est saisi sans interruption dès 2014.
Un dividende trop maigre
Le tournant se produit sept ans plus tard: sur la recommandation d’une connaissance, l’intéressée s’inscrit début 2021 auprès du service de conseil en matière de dettes de son canton. Lors du premier entretien, sa conseillère propose une vue d’ensemble de ses découverts. Au vu de dettes totalisant 340 000 fr. et d’un revenu mensuel net de 4000 fr., inutile d’espérer un assainissement. Notre lectrice n’aurait disposé que de 391 fr. par mois pour le remboursement. Clairement insuffisant, étant donné que celui-ci ne devait pas durer plus de trois ans. Les créanciers n’auraient pu se voir offrir qu’un dividende d’environ 5% du montant dû, une proposition qu’ils n’auraient jamais acceptée.
C’est alors qu’on propose à notre lectrice de recourir à la faillite privée. En décembre 2021, une requête de ce type est déposée auprès d’un tribunal. La procédure ne va pas sans coûts: l’ancienne co-directrice d’entreprise doit payer une avance de frais de 1800 fr. pour l’ouverture de la faillite, puis 3200 fr. supplémentaires pour les frais ultérieurs. Tel est le tarif du Tribunal de district de Zurich. D’autres en exigent davantage: 5000 fr. à Berne et Neuchâtel, 5200 fr. dans le canton de Vaud, et même jusqu’à 7000 fr. dans le Jura.
Le tribunal autorise la faillite de notre lectrice et l’office des poursuites dresse un inventaire, demandant aux créanciers de déclarer tout ce qui leur est dû. La procédure se termine en mai 2022, avec 16 créanciers. Ces derniers subissent une perte totale de 340 000 fr.
Les dettes ne s’effacent pas
Attention, les dettes ne disparaissent pas pour autant. Elles subsistent sous la forme d’actes de défaut de biens non productifs d’intérêts, qui n’arrivent à prescription qu’après 20 ans au plus tôt. La débitrice peut être poursuivie si elle revient à meilleure fortune entre-temps.
A partir de quel niveau? D’après la pratique des tribunaux, un héritage de quelques milliers de francs peut déjà être considéré comme une fortune. C’est aussi le cas d’un revenu qui permet de mettre un peu d’argent de côté et qui, après déduction des impôts, est supérieur d’environ 1000 fr. au minimum vital prévu par le droit des poursuites.
Si l’on veut éviter cette spirale, il est judicieux de racheter les actes de défaut de biens dès que la situation financière s’améliore. C’est ce qu’a fait notre lectrice après avoir établi, avec l’aide de sa conseillère, un budget d’assainissement qui comprend le minimum vital selon le droit des poursuites, les impôts, les frais de maladie prévisibles et d’autres estimations des dépenses. Ce qui reste après déduction du salaire constitue le montant disponible pour couvrir les dettes. Soit, dans le cas de notre lectrice, 1000 fr., qui lui permettent d’offrir à ses créanciers un dividende d’environ 10%. Au cours des trois années à venir, elle leur écrira un à un pour tenter de racheter ses actes de défaut de biens pour une fraction de la somme.
Michael Krampf / gda